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XVI
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Un grondement menaçant emplit la plaine rocheuse.
Athéna contempla la puissance brute d’Ares modeler
lentement tout le lieu. Elle le voyait, d’abord silencieux,
surplombant l’endroit de sa haute stature. Puis il se mit à
chanter.
Sa voix forte couvrit le bruit de la terre, qui se mit
alors à lui obéir.
D’énormes blocs de marbre noir jaillirent, du
marbre noir strié de veines rouges, les uns après les autres,
vite suivis d’immenses piliers de roche sombre et luisante, décrivant
le cercle de l’arène des combats. La voix d’Ares se fit de
plus en plus forte, son chant devint sombre et menaçant. Le
centre de l’arène s’enfonça, et des gradins s’arrachèrent
du sol. Diverses constructions surgirent à leur suite, cernant
l’arène. Enfin, deux gigantesques trônes apparurent, l’un
blanc, l’autre noir, qui leur étaient destinés, et d’où lui
et elle présideraient à la conduite du Tournoi.
Athéna vit le regard concentré du Seigneur de la
Guerre, les flammes dans ses yeux dansant frénétiquement. Elle
sentait toute la force et la passion d’Ares dans ce chant si
puissant. De la noblesse, du courage et de la cruauté. Voilà
tout ce qu’il exprimait.
Elle resta silencieuse, l’écoutant calmement.
C’était la première fois qu’elle l’entendait
chanter.
Les règles du Tournoi étaient simples et claires.
Un Chevalier contre un Berserker.
On laisserait la main du hasard décider de la
composition des duels.
Et on verrait qui d’Elle ou
de Lui obtiendrait la Garde du monde terrestre.
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Shina s’assit sur un des gradins de marbre blanc fraîchement
jailli du sol, attendant le moment du tirage au sort.
Elle s’était portée volontaire pour le Tournoi,
mais Athéna avait beau lancer son Appel à toute la Chevalerie,
leurs effectifs étaient, pour le moins, ridicules. Elle se
demanda s’ils auraient une chance sans les Chevaliers d’Or.
Elle regarda autour d’elle et commença à compter. Shiryu,
Hyoga, Shun et Seiya, le « Fils Prodigue », qui
venait juste de rentrer… Marine et elle-même étaient les seuls
Chevaliers d’Argent présent. Il n’y avait aucun Chevalier
d’Or, car tous étaient restés à leur poste de garde au
Sanctuaire…
La Bataille du Sanctuaire aura donc été un véritable
désastre pour les rangs de la Chevalerie : cette lutte
fratricide coûta la vie à presque tous les Chevaliers
d’Argent, et à la moitié des Chevaliers d’Or. Les Chevaliers
de Bronze survivants hormis Seiya, Shiryu, Hyoga et Shun, étaient
d’une puissance insignifiante : elle les regarda. Ils étaient
bien là, mais elle sentait leur crainte, malgré le courage
qu’ils durent réunirent pour venir. Elle se demanda s’il était
bon pour eux de participer à ce Tournoi d’Ares. Elle décida de
ne même pas les compter.
Et voilà, comme guerriers valables, les rangs de la
Chevalerie n’alignaient que six membres, en tout et pour tout.
Quatre Armures de bronze et deux d’argent. Face à dix
Berserkers fraîchement éveillés.
Ares était malin, vraiment.
Il profitait sans aucun doute de l’était d’épuisement
de la Chevalerie pour lancer sa nouvelle offensive. Les Chevaliers
n’étaient plus guère nombreux, et vue l’absence des
Chevaliers d’Or, les Berserkers avaient de bonnes chances de
vaincre, même au sein d’un simple tournoi… C’était bien
calculé de sa part.
Mais cela ne se passerait pas ainsi.
Shina se le jura intérieurement : la Chevalerie
ne cèderait pas. Certes, elle-même avait commis de nombreuses
erreurs jusqu’à aujourd’hui, mais elle les rachèterait.
Toutes.
Elle regarda Seiya, en train d’égayer ses
compagnons, comme d’habitude. Il se pourrait bien qu’elle
l’aimât vraiment… Mais fallait-il vraiment qu’elle se
l’avoue ?
Son cœur se serra, et elle soupira derrière son
masque d’argent.
Les Chevaliers ne devaient pas perdre : trop de
vies étaient en jeu.
Elle avait beau ne revêtir
qu’une Armure d’Argent, elle leur montrerait, à tous, ce dont
elle était vraiment capable. C’était une question de devoir,
de fierté, et peut-être aussi, quelque part, de compassion…
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Ares se leva, dans le silence général.
La nuit commençait de tomber, et les derniers rayons
du soleil renforcèrent son aura écarlate. Le visage du Dieu était
impassible.
Les Chevaliers d’Athéna d’un côté de l’arène,
les Berserkers de l’autre, tous le regardaient.
Il leva le poing, et une sphère enflammée apparut au
sommet d’un des piliers noirs qui cernaient l’arène. Il fit
un geste ample, et tous les piliers s’éclairèrent, les uns après
les autres, illuminant l’endroit d’une lueur sombre, alors que
le soleil se coucha.
Il se tourna vers Athéna, et lui demanda, d’un
regard, de venir le rejoindre.
Elle se leva et s’avança à son tour.
Il lui tendit sa main droite, qu’elle toucha de sa
main gauche, et une étrange aura miroitante se forma autour du
point où leur peau se frôlait… Leurs auras s’amplifièrent,
l’une rouge flamboyant, l’autre blanche et immaculée :
l’endroit où elles se retrouvaient confrontées commença alors
à grésiller, du fait de la forte tension entre les deux pôles
de force…
Soudain, une sphère d’énergie jaillit de leurs
mains jointes, et alla se poser au milieu de l’arène de combat.
Un éclair lumineux aveugla toute l’assistance tandis que la
boule d’énergie se scinda en neuf éclats qui frappèrent tour
à tour chacun des Berserkers, révélant une marque différente
sur chacun d’eux.
La voix d’Ares interrompit le silence :
« Voici les neuf Runes qui portent mon Nom,
chacune accordée à l’un de mes plus vaillants guerriers…
Le Duelliste, le Stratège, le Tueur, le Samouraï et
le Berserker…
Le Prédateur, le Chasseur, le Destructeur et le Dévoreur…
Voilà ici assemblés tous mes guerriers, les
puissants Berserkers !
Ces Runes symbolisent leur statut, et seul une défaite
pourra les effacer de leur front… Chacune constitue le lien
entre le Berserker et les puissances de la Terre, le lien entre
son sang et le magma terrestre !
Chevaliers d’Athéna, serez-vous capables de les
vaincre, et libérer les âmes de nos victimes, prisonnières du
Feu de la Terre ?
Je vous en défie ! »
Il sourit d’un air mauvais.
Il jeta un dernier coup d’œil à la walkyrie qui
lui répondit d’un regard. Elle n’avait quant à elle pas
besoin d’autant de démonstration…
Une grande clameur se leva du côté des Berserkers,
qui tous levèrent le poing pour montrer leur détermination. Les
Runes d’Ares luisaient étrangement à leur front, semblant décupler
leurs auras.
Les Chevaliers d’Athéna n’attendirent pas pour répondre
en chœur, sous le regard protecteur d’Athéna..
Tous attendaient impatiemment,
à présent, que les combats commencent…
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Shina resta silencieuse.
Elle serait la première à se battre.
Curieusement, le second combat verrait
l’affrontement entre Jabu, le Chevalier de la Licorne, et le
Duelliste. Le Chevalier de Bronze avait obstinément tenu à
concourir, et personne ne l’arrêta, vu sa détermination.
Le troisième serait Seiya, contre le Samouraï.
Ensuite viendrait Marine contre le Destructeur.
Marine…
Shina se rappela leur constante rivalité, en Grèce,
alors qu’elles entraînaient leurs disciples respectifs pour
l’obtention de l’Armure de Pégase, le Cheval Ailé. Elle
s’avouait maintenant la haine qu’elle portait à sa
rivale : elle aurait tant souhaité voir Cassios réussir… Mais
elle s’était trompée. Elle avait eu trop de prétention, trop
de vanité. Son enseignement avait des failles, et elle en conçut
de la honte. Son disciple avait été vaincu, car mal formé. L’échec
de l’élève était aussi celui du maître, mais la sensation était
bien pire. Une honte qui la poussa alors à la haine, et la
rage…
Elle se souvint de ce fameux soir où, alors qu’elle
venait le tuer, Seiya lui brisa son masque.
Son masque d’argent…
L’emblème de son statut de Chevalier et de sa
loyauté envers Athéna.
Elle avait été bernée, comme beaucoup de
Chevaliers, par le Faux Pope. Elle avait conçu des doutes, mais
sa haine l’avait aveuglée. Elle en voulait trop à Seiya de
l’avoir vaincue… Elle voulait le tuer : mais où sa rage
l’avait-elle conduite ? A présent elle regrettait. Le
remord la hantait.
Elle tenta par la suite de se racheter, mais elle
savait qu’elle n’aurait que difficilement son repentir. Mais
elle montrerait à tous que sa foi et sa loyauté envers Athéna
n’avaient pas de faille…
Aujourd’hui était l’occasion.
Une main, soudain, sur son épaule.
Elle se retourna, et croisa, derrière le masque, le
sourire de Marine.
Un sourire d’encouragement, franc et sincère. Elles
se regardèrent un bref instant, sans dire un mot, avant que Seiya
ne hurle littéralement ses encouragements.
Elle tourna son regard vers les autres Chevaliers :
tous lui souriaient et l’encourageaient.
Elle leur lança un geste de promesse, et se retourna.
L’arène l’attendait, ainsi que son adversaire.
Le Chasseur d’Ares.
Le Lion Noir.
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Décidément, il trouvait cela de plus en plus
amusant. Ce petit discours de circonstance correspondait
parfaitement à ce que tous attendaient de lui, et la situation
devenait intéressante, en effet.
Vraiment très intéressante.
Ares souriait intérieurement en voyant l’ardeur
avec laquelle les Chevaliers d’Athéna se préparaient au
Tournoi qu’il avait organisé. Il admira leur naïveté, mais
peut-être n’était-ce là que l’expression de leur pureté ?
Ares se doutait bien de tout cela, car il avait depuis
longtemps compris les raisons de son dernier échec face à Athéna.
Il se souvint alors d’une époque, lointaine, où le
monde était différent.
Le monde, à peine né, si fragile.
Un monde sans dieu.
Il se rappela à quel point…
Il se ravisa, tout d’un coup.
L’instant n’était plus à la méditation :
deux siècles dans une urne lui avaient suffit amplement.
Paradoxalement, il se dit que c’était bien grâce à Athéna,
celle qu’on appelait la « Déesse de la Sagesse »,
qu’il avait compris la machination dont il fut le pion. Mais il
la remercierait plus tard : il ricana, à nouveau intérieurement.
La « Déesse de la Sagesse »… Les mortels faisaient
tant d’amalgames parfois !
Son visage extérieur restait impassible, et grave :
peut-être était-ce là l’une des raisons qui lui firent sa réputation
de brute peu intelligente ? Certes il s’exprimait peu, car
il avait toujours donné plus d’importance à ses actes. Il ne
se souciait guère de l’avis d’autrui, car il n’en avait pas
besoin.
Pas besoin…
Peut-être était-ce pour cela, tous ces conflits,
tant d’incompréhension…
Entre lui, et les autres divinités.
Il s’était pourtant juré de suivre sa propre voie,
et il s’y tiendrait.
Bientôt, il mettrait un terme à tout cela.
Peu lui importait l’issue du Tournoi en fait.
Il reconsidéra ses desseins, alors que le premier
duel allait avoir lieu.
Une
Tour qui tombe et ressuscite.
Le Phénix, anciennement Aigle Rouge, rallié à sa
cause.
Un
Cavalier mis à l’épreuve.
Le jeune Pégase, fort prometteur.
Une
Reine hésitante, qui ne tarderait pas à chuter.
Athéna connaîtrait, cette fois, la défaite.
Le Roi enfin, qui ne cesse de se cacher…
Bientôt, la vengeance serait sienne.
Et la Terre verrait sa face
changée à jamais.
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