Ares14



			XIV
			Shun veillait le corps d’Athéna depuis plusieurs jours, priant pour son réveil. L’air frais du Domaine d’Athéna, dans le Sanctuaire, calmait son esprit tourmenté : que se passait-il donc ? Pourquoi ce retour d’Arès, si soudain, si violent ? Pourquoi toutes ces victimes, des innocents ? Pourquoi ? Oui, pourquoi ? Il n’avait jamais aimé les batailles et les combats, et l’épreuve du Sanctuaire lui avait été si difficile… Shiryu était rentré en Chine pour demander conseil à son vieux Maître… Hyoga, quant à lui, semblait dans un autre monde depuis qu’il avait affronté une Berserker en Islande… Seiya les avait quitté, trop honteux de sa faute… Et Ikki, qui n’était pas là… Il tentait de reprendre courage, mais c’était trop difficile. Des larmes coulèrent lentement le long de ses joues. Il en avait assez de son impuissance, tout ce qu'il pouvait faire, c'était attendre. Attendre... Une présence étrangère, derrière lui. Il se retourna soudain. Un homme, grand, à la chevelure pâle. Son armure écarlate, rehaussée de motifs d’argent bleu, le trahissait en tant que Berserker. A son poing un bâton plutôt court, couvert d’inscriptions nombreuses et illisibles. Il le reconnut. Le Stratège. Le Stratège se tenait devant lui. Il se mit en position de garde, prêt à tout pour défendre le corps d’Athéna contre cet ennemi redoutable. « Ne t’inquiètes pas, Chevalier Andromède. Je ne suis pas ici pour éliminer ta Protectrice, au contraire… - Comment es-tu parvenu jusqu’ici, alors ? ! - C’est moi qui l’ai laissé passer. » Cette voix, celle de Shaka, le Chevalier de la Vierge ! « Shaka, mais pourquoi ? - Il a montré des arguments solides, et m’a prouvé sa bonne foi. Ne t’inquiète pas, Chevalier Andromède, il est ici pour Athéna. » Ils se tournèrent vers le Stratège. « Je suis ici sur les ordres du Seigneur Arès, et j’ai été chargé de mener le rituel de retour de l’âme d’Athéna dans son corps. Ne vous inquiétez pas. Je ne vous demande pas grand chose… - Que demandez-vous..? Simplement la preuve de votre Foi en elle, c’est tout… »

			Shun était agenouillé devant l’autel où reposait le corps d’Athéna. Le Stratège s’affairait tout autour, puis recula. Shaka observait la scène, prêt à intervenir. Le Berserker lança soudain son bâton dans les airs, qui se mit à virevolter autour de l’autel d’Athéna. L’arme effectua une danse complexe, dessinant d’étranges arabesques. Le stratège expira soudain tout l’air de se poumons, et une colonne d’énergie s’éleva de l’autel. Il maintint sa concentration un moment, stabilisant le flux lumineux, puis cria : « A présent, Chevaliers, si vous croyez vraiment en votre Déesse, alors priez ! Priez fort son retour, et elle vous reviendra ! » Shun, d’abord surpris, se mit à prier, profondément, intensément. Il voulait qu’elle leur revienne. Il le voulait. Il croyait en Athéna, et avait toujours été prêt à mourir pour elle, pour ses idéaux, pour tout ce qu’elle incarnait… Sa Foi en elle était réelle, et il la sentait battre en son cœur. Shaka, au fond de la pièce, s’était lui aussi mis à prier. Bientôt, tous les Chevaliers, les uns après les autres, sentirent l’appel du Stratège, et son injonction à prouver leur Foi en Athéna. Et tous se mirent à prier. Tous. Chacun des Chevaliers d’Or survivants rassemblés dans les douze maisons du zodiaque : Mü, Aldébaran, Aiolia, Milo… Tous priaient. Chacun des Chevaliers d’Argent survivants, à travers le monde : Shina encore au Sanctuaire, Marine, agonisante, quelque part sur une petite île de Grèce… Tous priaient. Chacun des Chevaliers de Bronze survivants : Licorne, Hydre, Loup, Ours, puis Hyoga, Shiryu… Tous priaient. Tous, sauf un. La colonne de lumière s’amplifia alors que l’énergie de leur Foi emplissait peu à peu la pièce. Leur Foi en Elle, en Athéna, la Gardienne de la Paix et de la Justice, Protectrice de La Terre, leur Foi si forte, en devint presque palpable. Des flocons lumineux parsemèrent la pièce de leur éclat. Le Stratège, dépositaire d’un savoir millénaire, continuait de se concentrer : il lui fallait focaliser la Foi des Chevaliers en ce lieu, car seule la Foi humaine était capable de ramener l’âme d’une divinité de l’Olympe vers la Terre… Tous priaient. Tous, sauf un. Tous priaient. Tous, sauf Seiya…

			" Seiya... " La voix de marine était faible. Son disciple lui murmura de se calmer. " Ne t'inquiète pas Marine, je m'occupe de tout. - Seiya, tu dois... Athéna... - S'il te plaît, repose-toi, je prend la relève..." Il se redressa et fit face au Berserker. Son regard était sombre. Personne ne toucherait à Marine. Il avait déjà échoué une fois, cela ne recommencerait pas. Le Tigre Blanc le regardait d'un air mauvais. Le Chevalier Pégase avait paré le coup que devait recevoir la femelle, un coup que le Berserker avait exprès retenu pour ne pas la tuer... A présent que sa proie était là, il lui fallait l'affronter, et tant pis pour elle. Le jeune Chevalier n'était guère grand, plutôt chétif même. Il avait revêtu son armure de Cheval Ailé, et semblait déterminé à l'affronter. Parfait. Il savait ce que voulait le Grand Sauvage, bien que parfois il ne comprenne pas tout: mais ce n'était pas le cas cette fois... Son esprit avait beau être limité par l'instinct animal, il n'en restait pas moins un Berserker. Il avait compris sa mission. Il grogna, et s'élança contre le Chevalier Pégase. Ce dernier esquiva de peu, et contre-attaqua. " Je ne te pardonnerai pas d'avoir levé la main sur elle. Tu vas le payer, Berserker, et je vais vous montrer ce dont les Chevaliers d'Athéna sont capables!" Un feulement inquiétant lui répondit. Les Chevaliers d'Athéna étaient-ils tous aussi naïfs? le Tigre Blanc commençait à le croire. Même lui était capable de les manipuler..! L'attaque de pégase ressemblait fort à celle de la femelle: " Les Météores de Pégase" étaient impressionnants par la cadence des coups, mais pas tellement efficaces. C'était dommage. Mais son instinct de fauve reprit vite le dessus: qu'importe, s'il était faible, ce ne serait que mieux. Ainsi, le Grand Sauvage comprendrait que les Chevaliers d'Athéna n'étaient pas à la hauteur des Berserkers, car le Tigre Blanc avait bien compris sa raison d'être ici : il devait "tester" celui que l'on appelle Seiya, le tester et voir s'il restait en lui une once de combattivité, de quoi le rendre digne de participer au Tournoi qu'organiserait le Grand Sauvage... Apparemment, le fait qu'il s'en soit pris à cette femelle avait attisé la colère du jeune Chevalier: c'était parfait. Ils verraient tous deux jusqu'où la colère d'un Chevalier pouvait aller. Egalerait-elle celle d'un Berserker?

			Seiya se concentra. La chaleur était réellement difficile à supporter: il comprenait pourquoi Marine fut si facilement vaincue... Mais lui n'abandonnerait pas. Il n'abandonnerait plus. il n'en avait pas le droit. Voir Marine souffrir lui avait paru insupportable. Cela lui rappela sa douleur et sa honte lorsqu'il comprît ce qu'il avait fait à Saori. Il se rappela le visage de leur Protectrice, figé de douleur, éclaboussé par son propre sang... Son désespoir l'avait poussé à fuir. Retranché ici, il ne le pouvait plus. Il lui fallait protéger Marine pour que cela ne recommence pas. Pour que Marine ne souffre pas. Il le devait. Cette chaleur! Les griffes du Berserker semblaient en fusion, étincelantes dans l'ombre de la nuit. Le Tigre Blanc parait aisément ses attaques: toute cette chaleur ralentissait ses mouvements, et les Météores perdaient ce qui faisaient leur efficacité, à savoir la vitesse. C'est à peine s'il parvenait à maintenir son attention sur son adversaire... La sueur coulait abondamment sur son corps, et son armure lui paraissait de plus en plus lourde. Il fallait qu'il réagisse, mais il ne savait pas comment. Le Berserker passa à l'attaque. Concentrant son énergie sur ses griffes, il déploya une vague d'énergie brûlante. Ces Griffes en Fusion étaient impressionnantes! La roche s'effritait littéralement à son passage, la chaleur étant insupportable même pour la pierre. Les mouvements du Tigre étaient impressionnants de force et de majesté, bien que peu rapides en comparaison de la vitesse maximale de ses Météores. Seiya comprit soudain l'utilité de cette zone de chaleur: elle ralentissait les ennemis du Tigre, tel le Prédateur qui épuisait sa proie avant de l'achever... Le coup le frappa de plein fouet. La chaleur, insoutenable à présent, l'empêcha de crier de douleur, ses poumons étant en train de suffoquer. Jeté à terre, seiya mit du temps à se relever. C'est là qu'il remarqua que son armure commençait, elle aussi, à s'effriter ! Une armure réparée avec le sang des Chevaliers d'Or! Il se releva. Le Tigre blanc se prépara à frapper à nouveau, mais il s'interrompit, quand il vit le jeune Chevalier de Bronze retirer son armure, pièce après pièce. Inutile de la garder sur lui car elle ne le protégerait pas de cette chaleur. Il lui fallait, d'une façon ou d'une autre, trouver un moyen pour la surmonter, mais comment?

			Il pourrait bientôt l'achever. Ce Chevalier n'était pas de taille, lui non plus. Toute cette entreprise était inutile: il dirait au Grand Sauvage qu'il n'en valait pas la peine. Ce n'était que perte de temps, mais peut-être pourrait-il obtenir la femelle... Il frappa à nouveau. Inutile de montrer toutes ses ressources. L'autre s'affala. Il entendait le souffle rauque de sa respiration: sa proie demandait à être achevée. Il s'avança pour le coup de grâce, quand soudain, quelque chose dans l'atmosphère changea. Une étrange lueur entoura le Chevalier Pégase, une aura claire et pure... L'instinct du Prédateur le prévint d'agir au plus vite, il s'élança, mais ce fut trop tard: l'autre était déjà debout, et sa cosmo-énergie s'amplifiait encore. L'aura qu'il avait remarqué avait rendu sa force à sa proie, et semblait le protéger de la chaleur de ses griffes. Il se méfia d'autant plus. L'esprit du Prédateur lui dictait d'en finir au plus vite. Le Chevalier Pégase lança une nouvelle fois ses Météores. Le Tigre comprit qu'avec ce regain d'énergie, les Météores iraient sans doute assez vite pour passer sa garde. Finalement ce combat serait intéressant... Il s'élança à travers la pluie de Météores.

			Il l'avait senti. L'aura d'Athéna. Il avait senti sa présence bien que lointaine. Il gisait au sol, attendant le coup de grâce, quand cette énergie nouvelle emplit son corps... Une voix étrange avait résonnait en lui, s'adressant à son coeur: " Chevalier, as-tu la Foi? Crois-tu en Athéna?" Et son coeur répondit: " Oui, j'ai Foi en elle, et en tous les idéaux qu'elle incarne! " Une colonne d'énergie s'éleva un bref instant. Il se releva, faisant face à son adversaire. Celui-ci semblait décidé à en finir, tout comme lui. Lorsque l'autre s'élança, il répondit au mouvement de son adversaire, et suivit. Cet assaut déciderait du vainqueur.

			Le Tigre, à terre, répondit par un grognement à l'éclat insolent du jeune Chevalier. L'autre avait été très fort, mais quand vint le moment de frapper, il avait senti quelque chose, quelque chose derrière Pégase et qui le soutenait. il comprit que c'était la Déesse Athéna, et que son âme avait pu revenir sur Terre, juste à temps pour sauver la vie de l'un de ses Chevaliers. Quant à lui, il ne s'expliquait pas sa défaite. L'aura d'Athéna n'était pas assez forte pour rivaliser avec ses capacités, alors, pourquoi fut-il vaincu? Il vit le Chevalier s'incliner auprès de la femelle de tout à l'heure et l'aider à se relever. Il croisa le regard derrière le masque d'argent. C'est alors qu'il comprit. L'esprit du Prédateur l'avait quitté subrepticement, peu à peu, sans qu'il le sache, à cause de cette femelle, parce qu'elle en vint à occuper ses pensées... Il avait fait preuve de faiblesse. Il avait mérité cette défaite. Il se releva. L'attaque du Chevalier n'était pas mortelle, mais sa fierté de Berserker était touchée. Les deux autres se remirent sur leur garde. " J'ai été vaincu, et je contiens ma rage. Chevalier, tu m'as vaincu ce soir, mais nous nous reverrons au Tournoi. - Au tournoi? - Oui, le Tournoi entre Chevaliers d'Athéna et Berserkers d'Arès. Il a été décidé afin de régler une fois pour toute le différend qui oppose nos protecteurs. Il aura lieu bientôt. Je te suggère de rentrer au Sanctuaire d'Athéna dont le réveil est achevée, et de te préparer pour notre prochain affrontement. Cette fois je ne perdrai pas..." Le regard du Tigre Blanc s'arrêta sur Marine. Il soupira, et se glissa dans l'ombre nocturne.