Shiryu inspira profondément l’air de ce lieu si
familier, et embrassa le paysage du regard. Tant de beauté et de
grandeur réunis…
Oui, il aimait profondément cet endroit. La grande
cascade inspirait puissance et sérénité, un trait qu’il
retrouvait dans l’aura de sa propre armure, l’armure du
Dragon.
Un rire léger se fit entendre. Shunrei !
Elle laissa là ses occupations, et courut à sa
rencontre. Elle lui sauta au cou : elle s’était tellement
inquiétée pour lui pendant la Bataille du Sanctuaire !
Enfin elle le revoyait, sain et sauf !
« Shiryu ! Tu as
recouvré la vue ? ! ! »
L’étonnement de la jeune fille était visible, mais
une joie indescriptible vint éclairer alors son jeune visage.
« Oh, Shiryu, je suis
si heureuse ! »
Des larmes coulaient le long de ses joues : son
souhait le plus cher avait été exaucé…
Shiryu et elle rentrèrent, et le jeune Chevalier alla
saluer son maître, laissant Shunrei les attendre. Le vieil homme
était toujours à sa place, qu’il n’avait jamais quitté.
Shiryu s’inclina.
« Maître, je tenais à vous saluer. Comment
allez-vous ?
-
Shiryu, inutile de perdre du temps ainsi, je connais
la raison de ta venue…
-
Maître, Arès est revenu sur Terre, et ses Berserkers
nous ont provoqué ! Toutes ces éruptions volcaniques étaient
son œuvre… Athéna a été blessée il y a trois jours, et
n’a toujours pas repris connaissance ! Je suis revenu pour
vous demander conseil : la situation est…
-
Shiryu, je ne peux pas t’aider.
-
Mais Maître, pourquoi ?
-
Je ne peux t’aider parce que…
-
…Parce que tu n’es qu’un sale traître ! »
Une voix grave et menaçante avait interrompu la
conversation, une voix que les deux Chevaliers d’Athéna
connaissaient…
« Ikki, c’est toi ?
»
Shiryu, instinctivement, s’était mis en garde. Le
ton de son frère Chevalier était étrange, une sorte d’écho
couvrait le fond de sa voix. Il chercha autour de lui et le vit
enfin, perché sur un pic rocheux. Shiryu commença à s’inquiéter
lorsqu’il remarqua qu’Ikki ne portait pas l’armure du Phénix,
ou plutôt, que l’armure du Phénix avait changé : une
armure rouge, à la teinte de sang. De grandes ailes écarlates étaient
ployées dans son dos.
Son inquiétude s’accrût lorsqu’il remarqua que
les yeux d’Ikki étaient aussi rouges que son armure.
« Chevalier de la Balance, je suis ici pour réclamer
vengeance de ce que tu m’as fait il y a deux cent cinquante
ans… Toutes ces années j’ai accepté de servir la cause
d’Athéna en instillant ma force dans l’esprit du Phénix,
croyant obtenir un jour mon repentir, mais c’était faux !
Tu m’as menti, et tu t’es servi de mon sacrifice ! Voilà
deux siècles que je sers le mauvais camp ! Deux siècles de
tromperie et de mensonge !
-
Que dis-tu, Ikki ? Que se passe-t-il ? Que
t’est il arrivé ? »
L’Aigle Rouge tourna son regard vers le Chevalier du
Dragon qui avait osé intervenir. Son regard se fit glacé alors
qu’il considérait Shiryu de son promontoire. Soudain, une aura
violente jaillit du Berserker, et détruisit la roche sur laquelle
il se tenait. Lévitant dans les airs, il rassembla alors une énorme
masse d'énergie, et la déploya en une sphère écarlate. Visant
le Chevalier d’Or de la Balance, il lança l’impressionnante
sphère.
Shiryu s’interposa rapidement, et résista de toutes
ses forces, ses pieds ancrés au sol labourant la terre sèche. Il
fut emporté. Le jeune Dragon crut son heure venue, quand il
sentit l’aura de son Maître le soutenir. La sphère
s’effilocha, et l’énergie écarlate se dissipa dans les airs.
La voix du vieux Maître se fit entendre.
« Shiryu, ne t’expose pas inutilement. Ceci
n’est pas ton combat… Le guerrier que tu vois n’est pas
Ikki, mais un Berserker. L’esprit de celui que l’on appelait
autrefois l’Aigle Rouge a pris possession du corps du Chevalier
Phénix, et ne le quittera plus. Considère le comme perdu… »
Shiryu ne parvenait pas à y croire. Ikki, un
Berserker ? Comment était-ce possible ?
La voix d’Ikki-Aigle Rouge répondit à celle du Maître.
« Effectivement, je ne suis pas Ikki. Et puisque
tu es là, petit Chevalier, laisse moi t’apprendre moi-même qui
je suis : je suis l’Aigle Rouge, l'esprit du Dévoreur,
l’un des neuf Berserkers d’Arès… J’ai servi le Seigneur
de la Guerre pendant des millénaires, jusqu’à la dernière
guerre sainte d’il y a maintenant plus de deux siècles :
j’ai été trompé à l’époque, et on m’a poussé à trahir
mon seigneur au profit de ta pathétique protectrice…
Ayant perdu toute allégeance, j’ai choisi
d’immoler mon corps et mon âme, mais Athéna me proposa de
revenir, et j’ai fait l’erreur d’accepter...
J’ai accepté de fusionner ma puissance avec celle
du Phénix, unissant des pièces de ma Furie avec celles d’une
armure de Chevalier ! La nouvelle armure qui naquit ce jour là
devint l’une des plus puissantes de tout l’ordre de la
Chevalerie, dépassant de loin son statut d’armure de bronze.
Puis j’ai attendu deux siècles durant, mais aucun
mortel digne de ce nom n’a su mériter cette armure, jusqu’à
celui que tu appelles « Ikki ». Celui là s’est
montré digne de revêtir le Phénix, et a su utiliser au mieux
toute la puissance mise à sa disposition… Il était si brillant
que c’est lui que je choisis pour pouvoir me réincarner :
seul lui méritait cet honneur…
Désormais, c’est moi qui occupe son corps, et tu ne
le reverras jamais.
A présent, meurs, Chevalier ! »
L’Aigle Rouge prit une posture similaire à
l’attaque des Ailes du Phénix, et lança son attaque. Shiryu,
qui connaissait cette technique, s’attendait à pouvoir la parer
aisément.
« Par les Ailes Sanglantes et les Serres
Ecarlates! »
Un véritable déluge d’énergie grésillante emplit
l’atmosphère, et commença à se tordre en tourbillons dévastateurs,
formant des bourrasques d’un vent à la fois bouillonnant et
chaotique. Les Ailes du Phénix n’étaient que du vent à côté :
c’était là toute la force d’un Berserker qui se retrouvait déployée.
Shiryu tenta de résister, il savait qu’il en était
capable : il avait vaincu les Chevaliers d’Or du Cancer et
du Capricorne dont la puissance égalait celle de ce Berserker. Il
le pouvait, il en était certain !
Le Chevalier du Dragon encaissait la puissance de
l’attaque, mais ne parvenait pas à contre-attaquer : les
bourrasques étaient trop puissantes pour qu’il esquissât un
geste sans recevoir de coup fatal. Il sentait son Maître, derrière
lui, qui observait. Non, il ne faillirait pas ! Il grogna, et
réussit à joindre les poings. Il se concentra, et tenta de
sentir les courants d’énergie tourbillonnants. Plusieurs coups
faillirent l’atteindre, mais une force les en empêchait :
l’aura du vieux Maître le soutenait !
Soudain, d’un coup de poing, Shiryu déchira les
champs d’énergie, et fendit l’air dans un sifflement aigu.
L’impact toucha l’Aigle Rouge au front, et son casque tomba.
Telle la cascade de Rozan, les courants d’énergie
du Berserker s’étaient inversés, frappant celui qui les avait
générés..!
Un calme mortel retomba, et seul le grondement de la
cascade autrefois vaincue par Shiryu se faisait entendre… Le
Dragon et l’Aigle Rouge se foudroyaient du regard.
Un rire brisa la concentration des combattants :
un autre Berserker !
Shiryu se retourna : il avait déjà des
difficultés avec Ikki-Aigle Rouge, et si un deuxième Berserker
venait s’en mêler…
Le nouvel arrivant était vêtu d’une armure de la même
teinte écarlate que toutes les furies, mais elle était plus
fine, et semblait bien plus légère que celle de l’Aigle Rouge.
Une rapière étincelante pendait à son côté. Son visage, jeune
et beau, montrait un sourire charmeur.
« Duelliste, que fais-tu ici ? Ceci ne te
regarde pas !
-
Voyons, Aigle Rouge, ne te fâche pas pour si peu…
Je ne suis pas ici pour intervenir dans tes affaires, mais
seulement pour te prévenir que le Seigneur Arès rappelle à lui
tous les Berserkers… »
L’Aigle Rouge grogna, mais sembla se résigner.
Celui que l’on appelle le Duelliste se tourna alors
vers Shiryu.
« Toi aussi, jeune Chevalier, tu es demandé. Ta
participation au prochain tournoi entre les Berserkers et les
Chevaliers d’Athéna est requise…
-
Un tournoi ?
-
Oui, un tournoi. Retourne donc en Italie, là où ta
protectrice repose : son réveil est pour bientôt, sois en
assuré. Alors, le Tournoi pourra commencer… »
Le Duelliste fit quelques pas vers Shiryu, et
l’inspecta, puis dit finalement :
« Je sais que Seiya a disparu, mais fais en
sorte qu’il revienne, et participe au Tournoi. Il m’a vaincu
une fois, et j’ai une revanche à prendre… Dis lui
simplement que le Duelliste l’attend. »
Et les deux Berserkers
s’en allèrent, laissant le lieu aussi calme et paisible qu’il
n’était avant leur arrivée…
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