XII

 

   
 

Il s'arrêta de courir, et huma le vent le temps d'un instant.

Il sentit son odeur, celle de sa proie.

L'île était petite, et il ne tarderait pas à la débusquer... Un vent léger soufflait sur le paysage rocailleux de l'endroit. Il n'aimait pas ce lieu. Il aurait préféré rester dans sa forêt, à l'atmosphère si dense et humide, loin à l'Est.

Mais le Grand Sauvage avait parlé.

Il avait été heureux de s'éveiller après ces siècles de sommeil. Il avait été heureux de sentir à nouveau les odeurs du monde, de goûter la saveur d'une proie fraîchement tuée, de ressentir enfin le frisson du prédateur achevant sa proie...

Le Grand sauvage s'était réveillé, et la colère de la Nature avec lui. Les humains avaient poursuivi leur oeuvre de destruction et de pourriture pendant leur sommeil, et il avait senti, dès son réveil, toute la souffrance de la Terre. Il n'eut aucun remord à leur rendre toute cette souffrance, dans le feu, le sang et les cendres...

Il savait que les hommes devaient apprendre, en cela il avait confiance au Grand sauvage. Mais les hommes méritaient-ils la chance qu'on leur donnait?

Il préféra s'en remettre à son maître.

Car le Grand Sauvage n'avait jamais menti, et ne mentira jamais.

Il s'arrêta soudain.

Une autre odeur dans la brise.

Une odeur... agréable.

Une femelle.

Il se demanda si elle était là pour sa proie. C'était l'unique réponse possible, et il se dirigea dans sa direction.

 

   
         
 

 

Une silhouette filant à toute vitesse sous la faible lumière de la lune...

Le paysage rocheux et déchiqueté de la petite île n'était guère accueillant, mais elle s'en moquait. Marine était là pour autre chose que du tourisme: Seiya était ici.

Après avoir porté la main sur Athéna, son jeune disciple avait préféré la fuite, et s'était réfugié sur cette petite île inhabitée au large de la Grèce. Il l'avait déçue. Profondément.

Elle croyait lui avoir appris ce qu'était le sens des responsabilités.

Une nouvelle et grande bataille s'annonçait, cette fois contre un ennemi divin, et Seiya se permettait de fuir? Marine redoutait et admirait Ares, le Seigneur de la Guerre: le dieu avait su comprendre que la grande force de Seiya résidait principalement dans son immense confiance en lui. Ebranlez cette confiance, et Seiya n'était plus rien.

Voilà pourquoi elle était là. Pour ramener son disciple, et par la force s'il le fallait.

Shiryu était reparti en Chine demander conseil au vieux Sage des Cinq Pics: le Chevalier de la Balance devait certainement en savoir beaucoup sur Ares et ses Berserkers. On disait en effet qu'il avait lui-même combattu lors de la précédente guerre sainte, il y a plus de deux cents ans...

Shun et Hyoga étaient restés veiller auprès du corps encore inconscient d'Athéna. Leur Protectrice ne s'était toujours pas relevée du coup de Seiya... Marine, au plus profond d'elle-même, espérait que l'âme de la déesse retournerait dans son corps, mais rien n'était plus sûr. Elle se força à penser à autre chose. Son premier objectif devait être de ramener Seiya à la raison.

 

   
         
 

 

Il la regardait évoluer, gracieusement, bondissant à travers les rochers.

Son odeur était douce et vraiment agréable.

Il se demanda ce qui se passait, mais il n'était pas du genre à perdre son temps à trop de réflexion.

Cette femelle lui plaisait.

C'était simple.

La seule question était de savoir s'il pourrait l'avoir.

Le fait qu'elle soit en quête de sa proie le gênait un peu, le fait qu'elle portât un masque de Chevalier d'Athéna encore plus.

Il comprit que s'il le fallait, il devrait l'éliminer. Il réfléchit un bref instant et se décida. Il n'aurait qu'à l'attraper avant.

Avant qu'elle ne trouve sa proie.

Avant qu'il ne soit forcé de la tuer.

 

   
         
   

 

Marine continuait de traverser l'île à la recherche  de son disciple. Elle devait se dépêcher.

Soudain, un grésillement et une odeur de brûlé parvinrent jusqu'à elle. Elle eut à peine le temps d'esquiver la vague d'énergie qui broya une portion de falaise.

Elle se retourna, guettant son agresseur. Elle n'avait pas senti sa cosmo-énergie, qui avait simplement éclaté il y a quelques instants à peine.

Il était là.

Grand, en armure blanche parcourue de motifs écarlates. Des griffes de métal étincelantes.

Un tigre.

Un tigre blanc.

Son adversaire était un Berserker.

Elle aurait dû se douter que le Seigneur de la Guerre n'abandonnerait pas Seiya si facilement. Mais elle ne le lui abandonnerait pas. Pas maintenant.

Elle se mit en position d'attaque, et lança une rafale de coups. Les Serres de l'Aigle ne connaissaient pas de rivales...

Le Berserker se protégea de son bras gauche, préparant le droit pour une contre-attaque. Elle le testait d'abord, avec des salves de coups peu efficaces, attendant qu'il dévoile ses capacités. Ne jamais sous-estimer son adversaire était l'une des premières leçons qu'elle avait apprise à seiya...

C'est alors qu'elle sentit le changement. L'atmosphère s'asséchait. La chaleur augmentait autour du Berserker. De plus en plus. L'air trop chaud commençait à miroiter autour de ses griffes, dont le métal rougeoyait intensément.

Le Berserker continuait de parer, et la chaleur d'augmenter autour de lui. Ses griffes de rouge sang devinrent d'un blanc intense. L'atmosphère devenait insoutenable. Marine suait de plus en plus. Il n'attaquait toujours pas. Elle s'épuisait inutilement.

Le Tigre Blanc la regardait toujours, expectatif. Ses griffes chauffées à blanc luisaient dans la nuit.

Il attaqua enfin. Le tranchant de ses griffes fendit l'air, la frôlant de peu. Ses vêtements grésillèrent aux endroits exposés à la vague de chaleur. La roche, subitement dilatée à cause de cette chaleur soudaine et violente, commença à se fendre autour d'eux. Des blocs de pierre éclatèrent en morceaux, brisant le silence étrange de leur affrontement.

Le Berserker restait muet, et la regardait de façon étrange. Elle commença à s'inquiéter. Ses forces la quittait à cause de la chaleur, elle ne serait bientôt plus capable de porter de coups. Elle devait faire vite, et trouver une parade...

 

   
         
   

 

Il la regardait s'épuiser.

C'était ce qu'il voulait. Il ne souhaitait pas sa mort.

Il la voulait pour lui.

Il ne transgressait pas les ordres du Grand Sauvage en faisant cela. Sa proie attendrait un peu, c'est tout.

Elle respirait bruyamment à présent. Son souffle haletant était perceptible malgré son masque.

Encore un coup et elle cèderait.

Il s'élança, tranchant l'air de ses griffes incandescentes. Les gestes de la femelle s’étaient ralentis, elle devrait encaisser le coup... ou mourir.