Dans la vaste immensité, nimbée d'une lueur fragile,
elle s'éveilla.
Parmi les innombrables étoiles qui l'entouraient,
certaines brillèrent plus que d'autres, et leurs lumières
vinrent baigner le corps de Saori, réincarnation de la déesse
Athéna. Lentement, elle ouvrit les yeux, et passa un long moment
à méditer.
Elle finit cependant par sentir sa présence, tapie
dans l'obscurité, et se tourna lentement dans sa direction.
Il jaillit soudain de l'ombre, dans un éclat
flamboyant. L'espace s'illumina soudain, éclairée par le Feu
divin qui l'habitait. En un instant, l'espace fut divisé en deux,
entre la douce clarté des étoiles et le vif éclat d'un soleil
rouge...
Arès était là, face à elle.
Il était grand, les cheveux flamboyants, et ses yeux
brillaient de reflets d'or et de sang. Elle fut surprise en le
voyant ainsi: aussi loin que sa mémoire pouvait aller, Arès
n'avait jamais emprunté le corps d'un mortel aussi banal...
Ou plutôt, humble était
un mot plus juste.
Elle se souvenait en effet de l'avoir affronté sous
les traits de colosses gigantesques au regard farouche et barbare,
géants à la force titanesque et au cri brutal. Elle se souvenait
de la constante rudesse des incarnations de ce rival, qui avait
toujours vu en la force le meilleur moyen de régir la Terre...
Mais cet Arès là était différent.
C'était très étrange. Il avait en quelque sorte, changé,
lui qui s'était souvent montré si arrogant dans le choix de ses
incarnations. Elle se rappelait en effet son habitude, qui était
d'habiter le corps du plus grand guerrier d'une génération:
l'homme qui se tenait face à elle dérogeait étonnamment aux
critères qu'elle reconnaissait à Arès. Oui, c'était très étonnant.
Il s'approcha d'elle d'un pas posé, laissant derrière
lui des empreintes enflammées.
Elle se rendit compte alors qu'autour d'elle s'étendaient
les limbes de l'Olympe, le monde d'origine des dieux...
Il s'arrêta à quelques pas d'elle, et la toisa un
instant, avant de dire, le sourire aux lèvres:
" Décidément, Athéna, vous serez toujours
aussi belle. Mais quelle dommage que vous deviez rester si chaste... "
Et il éclata d'un rire qui fit vibrer les cieux. Son
regard montrait toujours cette même intensité, dissimulant mal
le feu qui brûlait dans son coeur, le coeur d'un dieu... Et
pourtant, cet éclat dans ses yeux dénotait plus une sombre et
subtile intelligence que la simple rage qu'elle lui avait toujours
connu.
Non, cet Arès était différent, trop différent même.
Les Dieux étaient des entités immuables: comment pouvait-il
avoir changé à ce point? Elle-même n'avait que peu...
" Je me doute bien de votre étonnement, ma douce
et chère ennemie :
comment se fait-il qu'il ait tant changé? "
Son regard devint froid. Il continua, d'un ton plus sévère:
"Tout ce que vous venez de subir, Saori Kido,
n'est que le premier pas vers une nouvelle ère. C'est moi qui
vous ai rappelé dans l'espace Olympien, afin que nous en
discutions sans menacer le monde mortel. Je ne souhaite pas
l'affrontement, du moins pour l'instant, et surtout pas ici.
Contentons nous de parler. Je crois que nous avons beaucoup à
nous dire..."
Il garda le même visage sérieux, attendant sa réponse.
Quel contraste avec l'Arès d'il y a deux cents ans! C'était bien
la première fois qu'il demandait à la déesse de discuter sans dégainer sa hache...
Saori-Athéna garda le silence un moment, puis
demanda, sur un ton tout aussi sévère:
" Pourquoi avoir tué tous ces gens? Toute cette
destruction... Des innocents sont morts par votre faute..! "
Le visage d'Arès resta sombre et impassible. Son aura
n'était plus qu'un fin rayonnement écarlate.
"Je sais ce que j'ai fait. Tout ceci était à
dessein.
-
A dessein?! Croyez vous pouvoir conquérir la Terre de
cette façon? Comment pouvez vous sacrifier la vie de tant
d'innocents?
-
Mon but
est atteint quand je vois votre colère... Car ce n'est pas
seulement la Terre que je veux."
Elle le foudroya du regard. Elle venait de comprendre.
C'était à cause d'elle qu'il avait fait ça. C'était pour
attiser sa colère qu'il avait fait mourir tous ces gens. Pour
assouvir sa vengeance. Une vengeance qui a valu la mort de
millions de personnes! Il savait qu'il la toucherait plus ainsi
que par une offensive ouverte. Et il ne s'était pas trompé.
L'aura de la déesse s'intensifia.
"Je ne peux vous pardonnez ce que vous avez fait.
-
Je n'attends aucune absolution."
Leurs regards s'affrontèrent. La tension entre les
deux divinités atteignait son paroxysme. L'espace Olympien fut
parcouru de secousses. C'étaient pour cela que les dieux avaient
toujours préféré s'affronter sur Terre. Parce qu'ici leurs
duels titanesques entraîneraient la perte de l'Olympe.
"Comme je vous l'ai dit, ceci n'est que le
premier acte. Nous verrons si vos Chevaliers seront de taille
cette fois contre mes Berserkers. La prochaine fois que nous nous
rencontrerons se décidera ou non votre victoire ou la mienne...
Mais cette fois, je ne saurais perdre."
Le souffle des énergies devenait terrifiant. D'un
geste, Arès rompit le duel divin.
« Athéna, le moment est venu de décider à qui
de nous deux reviendra le devoir de protéger la Terre. Vous savez
pertinemment que j’ai fait un serment, moi aussi – et je ne le
trahirai pas…
Cela fait des millénaires que nous nous affrontons,
en duels meurtriers, et pourtant, la situation, au gré de vos
victoires ou des miennes, n’a jamais vraiment évolué. Nous en
sommes toujours au même point...
Voici donc ce que je propose.
Un tournoi.
Vos Chevaliers contre mes Berserkers.
Le vainqueur donnera à son camp le droit sur la
Terre. C’est aussi simple que cela.
-
Pourquoi devrais-je accepter.. ?
-
Parce que l’enjeu vous y oblige.
-
L’enjeu ? »
Il la regarda d’un air glacé. Les flammes dans ses
yeux se figèrent un instant.
« Il y a effectivement un petit enjeu, juste de
quoi vous motiver… Il se trouve que les victimes des éruptions
volcaniques de ces derniers temps n’ont pas encore rallié le
monde des morts. Leurs âmes sont prisonnières du magma
terrestre, retenues par mon influence. L’enjeu est donc clair :
chaque Berserker que vous vaincrez libérera les âmes qu’il
retient, et je les ramènerai à la vie. Tout simplement. »
Un silence se fit. Arès était à la fois franc et
machiavélique. Athéna reconnaissait là toute sa brutalité,
mais goûtait pour la première fois sa malice.
« J’accepte, si c’est la seule façon de
sauver ces gens. Mais…
-
Mais ?
-
Que pensent les dieux de tout cela ? Sont-ils au
courant de vos projets ? Vous interférez avec les lois
d’Hadès en retenant ces âmes…
-
Ne vous inquiétez pas. Zeus me soutient dans mon
entreprise. »
Athéna frémit, et l’espace olympien vibra.
« Zeus te soutient dans ton entreprise ? !
-
Et oui, petite sœur… »
Zeus soutenait donc Arès ? Elle tenta de
comprendre. Peut-être s’était-il lassé de leur éternel
conflit sur Terre, peut-être voulait-il une issue définitive ?
Elle soupira.
« C’est entendu, Arès. Mes Chevaliers
participerons au tournoi… »
Arès sourit. Elle se doutait qu’il venait
d’obtenir ce qu’il souhaitait. Elle allait lui parler encore,
quand elle fut rappelée sur la Terre…
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