Le vieux maître contemplait les cieux calmes de cette
douce nuit d’été.
Les étoiles illuminaient le ciel de leur lueur glacée.
Il soupira.
Ainsi, Il était
revenu.
Il se rappela le dernier affrontement contre Ares, il
y a deux cents ans. Il se rappela la victoire d’Athéna et des
Chevaliers de l’époque, dont lui-même.
Mais cet événement en annonçait d’autres, bien
pires encore.
Les querelles des Dieux n’en finiraient jamais. Non,
jamais.
Il se souvint de la façon dont ils avaient gagné. Il
se souvint de l’aide du Phénix, ou plutôt, de l’Aigle Rouge,
car tel était son nom à l’époque. Il se souvint de la Rédemption
qui lui fut offerte par Athéna. Il se souvint du hurlement de rage
d’Ares, quand son esprit fut emprisonné dans l’urne sacrée,
comme l’avait été celle de Poséidon. Tout cela pour la paix.
Grâce à Athéna, le monde avait en effet connu une
nouvelle période de paix et de prospérité.
Et voilà que tout recommençait.
La vengeance.
C’était encore et toujours la vengeance qui
semblait motiver les Dieux. Ils n’en avaient jamais assez de leurs
querelles. Chacun d’eux rivalisait d’influence auprès des
humains, pour asseoir sa propre puissance.
Mais de tous, seule Athéna accordait sa Compassion
aux hommes. Si les Dieux avaient offert aux mortels de les protéger,
seule Athéna avait promis de les aimer...
Et c’était pour cela qu’il avait choisi de servir
Athéna. Qu’il avait juré de mourir pour elle.
Il se souvint de l’Aigle Rouge. Quel immense
sacrifice avait-il dû consentir pour sauver ceux qu’il aimait !
Il se souvenait parfaitement de tous les détails. Et de son propre
rôle dans la Rédemption du Berserker. Car c’était lui, le
Chevalier d’Or de la Balance, qui lui avait montré le véritable
sens de la justice. L’illusion derrière l’utopie d’Ares. Il
lui avait montré qu’un monde dénué d’amour et de compassion
ne valait pas la peine qu’on se batte pour lui. Or, c’était ce
que voulait Ares : un monde de bravoure et de loyauté, mais
aussi un monde de guerres incessantes, un monde où l’ordre certes
régnerait, mais un ordre absolu obéissant à la loi du plus fort
et où les sentiments «faibles » n’auraient plus leur
place. Un monde froid, éclairé par les étincelles de conflits
incessants.
Il soupira à nouveau, plus profondément.
Et aujourd’hui, Ares réclamait son dû.
Le vieux maître avait senti les auras des Berserker.
Il avait senti leur vigueur renouvelée. Il les avait dénombrés et
repérés.
Et il eut la tristesse de voir que l’Aigle Rouge était
de retour. L’âme du Dévoreur avait pris le pas sur l’esprit
d’Ikki, le Phénix, le Repenti...
Il ne comprenait pas... Il aurait souhaité...
voulu...
Mais le poids des regrets était trop fort pour les
mots. C’était en grande partie de sa faute si l’âme d’Ikki
s’était rangé du côté d’Ares.
Car il avait menti. Il avait menti au Dévoreur pour
obtenir sa trahison. Pour qu’il se range du côté d’Athéna. Il
avait menti sur les actes d’Ares, il avait menti sur ses propres
actes. Il n’en avait jamais rien dit, et de sa vie, c’était le
seul péché qu’il savait devoir expier tôt ou tard. Le Chevalier
de la Balance, contrairement à tout ce qu’on pensait, cachait lui
aussi un lourd secret.
Il se rendait compte que le moment de payer arriverait
bientôt, et que l'ombre de l’aigle aux plumes ensanglantées
planerait bientôt au-dessus de lui.
Mais il n’avait pas peur.
Il avait consacré tous ces siècles à son devoir de Chevalier, et
tant qu’il serait vivant, il s’en acquitterait. Il devait cela
à sa propre conscience...
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