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II
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Shiryu
se leva et fit quelques pas pour se détendre. Il n’avait pas
l’habitude des costumes trois pièces, il s’y sentait limité
dans ses mouvements. Et puis cela l’agaçait un peu de subir
toutes ces mondanités.
Voilà
deux semaines qu’il accompagnait Saori-Athéna dans la tournée
mondiale de la Fondation Graad. Après la France, c’était
l’Italie, et bientôt l’Egypte. Cette tournée avait pour but
de soutenir l’effort international vers une paix durable sous
l’égide de l’O.N.U. : on avait ainsi offert à Saori le titre
d’Ambassadrice de la Paix. Pour l’instant tout allait bien et
les visites de courtoisie se succédaient.
Ils
venaient d’atterrir à Rome le matin même, et devraient
rencontrer cet après-midi d’importantes personnalités, dont le
Pape lui-même… Shiryu ne l’avait lui-même jamais vu en
personne, et c’était avec curiosité qu’il attendait cet
instant.
Shiryu
s’ennuyait un peu. Lui et les autres avaient tiré au sort celui
qui accompagnerait Saori lors de ses déplacements, et c’était
sur lui que c’était tombé. Non pas qu’il remit son devoir de
Chevalier en cause, mais disons qu’il enviait un peu ses frères
Chevaliers. Seya était retourné en Grèce passer ses vacances.
Vue la carte postale qu’il avait reçue, il était loin de
s’ennuyer. Shiryu sourit un instant. Décidément, ils avaient
beau tous être frères, ils n’en restaient pas moins très différents.
Hyoga était en Islande actuellement, à Reykjavic. D’après ce
qu’il avait compris, Hyoga enquêtait sur ses origines là-bas,
car sa mère était certes née de père Russe, mais aussi de mère
Islandaise… Elle avait d’ailleurs vécu un certain temps en
Islande avant de vivre en Russie où elle avait donné naissance
à Hyoga. Shun, curieusement, était le seul à faire un véritable
voyage de touriste. Il était en Californie actuellement, et
comptait se rendre bientôt à Seattle, plus au nord. Ikki, enfin,
avait préféré resté à Tokyo au Japon.
Shiryu
sentit de l’agitation autour de lui. Cela allait bientôt
commencer. En tant que garde personnel de Saori Kido, il se devait
de la suivre constamment. Il devait rester sur ses gardes, on ne
sait jamais, bien qu’il n’ai fait que s’ennuyer jusqu’à
présent.
Saori
sortit hors de sa chambre, et Shiryu alla l’accueillir
prestement. Ils se dirigèrent vers la limousine qui les
conduirait au lieu de réception. Les photographes les attendaient
et les assaillirent, mais Saori les affronta avec une sérénité
que Shiryu lui enviait. Son aura divine ne la quittait jamais, et
elle était magnifique.
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Il vérifia son matériel encore une fois. Il prit
bien garde de se remémorer chaque détail avant le moment décisif.
Il connaissait chaque geste à exécuter, jusqu’au rythme de son
souffle.
Il se leva et fit quelques exercices de concentration.
Il était comme à l’habitude, ni trop nerveux, ni trop
confiant. Il allait faire son travail, et conservait la froide
attitude d’un professionnel.
Il alla dans la salle de bain et se passa de l’eau
sur le visage pour se rafraîchir.
Il se regarda un moment dans la glace. Sa peau avait
gardé un léger bronzage acquis dans son enfance dans le sud
napolitain. Une mâchoire forte lui donnait un air volontaire et
ses yeux gris étaient enfoncés derrière des arcades sourcilières
légèrement proéminentes. Son regard était froid, sans
sentiment. Son esprit était vide. Il n’y avait rien d’autre
en lui que sa mission. Rien d’autre.
Il s’habilla machinalement et rangea son matériel
dans sa mallette de façon mécanique. Il sortit.
Il faisait chaud dehors. Il marchait à pieds, il ne
voulait pas d’un taxi qui pourrait plus tard le reconnaître. Il
se dirigeait vers sa destination, ni trop vite, ni trop lentement.
Une jeune femme trop pressée le bouscula à la sortie d’une
gare. Elle s’excusa mais ne put que bredouiller quand elle
croisa son regard froid et vide. Il l’ignora complètement et
poursuivit son chemin.
Il arriva et grimpa les douze étages qui le séparaient
du toit de l’immeuble, et prit enfin place. Il sortit le matériel
qu’il avait préparé et regarda sa montre. Elle ne saurait
tarder.
Dans vingt minutes sa cible descendra de sa limousine
et sera fauchée par trois balles tirées du haut d’un immeuble
du centre de Rome.
Dans vingt minutes, Saori
Kido sera morte.
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La limousine s’arrêta doucement devant le lieu de
la rencontre. Une foule de journalistes et de photographes les
attendaient. Shiryu descendit le premier et surveilla les
environs. Il étendit ses perceptions le temps d’un instant. Il
contrôla chaque mètre carré dans un rayon de cinq cent mètres,
et prit connaissance des lieux et de chaque être vivant dans les
environs. Ses pouvoirs de Chevalier lui étaient utiles dans
l’accomplissement de sa mission. Chaque être dégageait une
certaine quantité d'aura et de cosmo-énergie suffisante pour sa
détection. Il ne remarqua rien d’étrange, comme d'habitude-
aucune énergie menaçante. Il invita alors Saori à descendre, ce
qu’elle fit avec sa grâce si particulière.
Ils marchèrent sur quelques mètres, entourés par la
horde des photographes et illuminés de leurs flash.
Soudain Shiryu l’entendit. Un léger déclic au
loin. Suivi de deux autres. Un tireur embusqué avait tiré dans
la direction d’Athéna. Il concentra sa vision, il élimina les
sensations parasites qu’étaient les flash, les éclats de voix,
les individus dans la foule, et vit enfin le visage du tireur,
allongé sur le toit d’un immeuble qui faisait l’angle du pâté
de maison.
Il passa son bras devant Athéna et la fit reculer.
Les trois balles se fichèrent dans le corps d’un journaliste.
Tout cela ne lui prit qu’une infime fraction de seconde.
Des cris fusèrent. Le corps du journaliste fut
propulsé à plusieurs mètres en arrière à cause de la violence
du choc, éclaboussant la foule de sang chaud.
Shiryu empoigna un des gardes : « Protégez
Mlle Saori, je vais tenter d’arrêter le criminel… »
Et il partit, à une allure extraordinaire. Il prit
son élan et sauta. Il atterrit sur un réverbère et prit appui.
Il se retrouva en quelques secondes sur le toit de l’immeuble.
Le tueur n’était plus là. Il avait abandonné son matériel.
Shiryu avait de quoi être décontenancé : il n’avait pas
ressenti l’aura de cet homme. Quand il l’avait regardé, il y
a quelques instants, il n’avait rien senti d’autre dans son
regard gris et froid qu’une froide détermination. Il n’émanait
rien de lui, aucune agitation, aucun sentiment, rien qu’une
profonde maîtrise. C’était pour cela que Shiryu n’avait rien
senti : cet homme avait fait le vide en lui, et était devenu
aussi inerte qu’un automate.
La maîtrise absolue de son être vous faisait
ressembler à une machine.
Shiryu ne perdit pas plus de
temps à réfléchir, et suivit les trace de celui qui avait tenté
d’assassiner Athéna.
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Il
descendait les escaliers à vive allure. Il avait échoué. Pour
la première fois de son existence, il avait échoué.
Cet
homme, le dénommé « Shiryu », était doté de
redoutables capacités. Il s’était renseigné auparavant sur
les divers individus qui protégeaient Saori Kido. Il
s’attendait à tout sauf à un tel déploiement de puissance. Il
n’avait pas voulu le croire, mais ces « Chevaliers »
étaient réellement dotés de pouvoirs extraordinaires.
Mais
il n’allait pas se laisser faire. Pour l’instant, il lui
fallait fuir.
Brusquement,
devant lui, le plancher s’effondra. Il fit un saut et se
rattrapa au niveau du sol dans une roulade. Il était là. Il
l’avait senti. Quelle force phénoménale ! Ce Shiryu avait
la puissance d’un dieu ! Comment de tels individus
pouvaient-ils exister ?
Il
était prêt à se battre cependant. Il n’abandonnerait pas. Il
n’avait jamais été vaincu, et ne le serait jamais.
Shiryu
s’avança hors de la pénombre.
« Rends-toi.
Toute résistance serait inutile, tu as pu t’en rendre compte »
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Aucune
réponse. Le tueur était aussi silencieux qu’une tombe.
Shiryu
réitéra sa menace. Toujours rien.
Soudain,
le tueur s’élança.
Les
réflexes de Shiryu ne se laisseraient pas dépasser aussi
facilement.
Ils
échangèrent leurs premiers coups. Pour Shiryu, cela s’annonçait
comme un combat facile. Il n’avait qu’un simple humain face à
lui.
Le
tueur restait concentré. Il continuait à enchaîner les coups,
les uns après les autres, bien que sans succès. Il n’irait
jamais assez vite pour le Chevalier du Dragon. Cependant il
continuait.
« Comme
une machine… », pensa Shiryu.
Cet
homme l’effrayait un peu. Tous ses gestes étaient parfaitement
maîtrisés, il n’y avait rien de l’imperfection dans cet
individu. Il frappait avec une telle économie de geste qu’il était
lui-même impressionné. Pas un seul mouvement inutile. Tout était
précis, réglé comme une parfaite mécanique. Il ne manquait au
tueur que la puissance d’un Chevalier, et il aurait fait un
redoutable adversaire. Mais ce n’était pas le cas. Shiryu décida
d’en finir.
Etrangement,
les gestes du tueur accélérèrent. Ses coups se faisaient encore
plus précis. Shiryu s’inquiéta. Il ne sentait plus la présence
de son adversaire. Il n’avait plus d’âme. Il exécutait ses
coups avec cette maîtrise qui le faisait ressembler à un robot.
Le souffle du tueur était profond mais retenu, alors qu’il
enchaînait ses coups de plus en plus vite. Shiryu reçut un coup
au bras. Son adversaire devenait imprévisible. Là où Seya par
exemple décochait une centaines de coups pour atteindre son
adversaire, le tueur ne frappait qu’un seul coup qui touchait
juste. Seya, en y réfléchissant, submergeait son adversaire sous
les frappes, avec une certaine marge de pertes. Ce tueur était
différent. Il ne cherchait pas à submerger Shiryu par sa vitesse
ou sa puissance comme le faisaient la plupart des adversaires que
Shiryu avait connu.
Non,
ce tueur frappait et touchait. C’était tout. Il synchronisait
son allure au rythme de son adversaire pour frapper au moment le
plus adéquat. Shiryu accéléra encore, et franchit la barrière
du son. Inutile. Le tueur suivait son rythme et synchronisait ses
attaques.
C’était
extraordinaire ! Comment un simple humain parvenait-il à de
telles prouesses ?
Le
tueur adaptait son allure. Que son adversaire eut été lent ou
rapide, cela n’aurait rien changé. La force de cet homme,
Shiryu s’en rendait bien compte, était de pouvoir synchroniser
ses gestes avec ceux de son adversaire pour le frapper dans ses
points faibles.
Shiryu
comprit son extraordinaire faiblesse par rapport à cet
adversaire. C’était le rythme.
Shiryu suivait un rythme dans ses attaques, un peu comme dans une
danse, comme c'était souvent le cas avec les enchaînements
d'arts martiaux. Il exécutait ses enchaînements de coups comme
ils les avait appris, et les restituait comme tels, s’aidant de
la rythmique des katas pour améliorer sa vitesse.
Or,
cet homme se basait sur le rythme de ses adversaires pour les
vaincre. Là où d’autres suivaient leur propre rythme pour
frapper, lui suivaient ce rythme et s’y synchronisait pour enfin
frapper entre les battements du rythme qui caractérisait
l’enchaînement. Ainsi il pouvait être sûr de toucher.
Shiryu
devait réfléchir vite. Il ne pouvait se limiter à occuper cet
homme en le surpassant de vitesse, c’était inutile car il se
faisait sans cesse rattraper. Il devait lui-même faire le vide
dans son esprit, faire le vide, et donc être imprévisible, comme
son adversaire l’était.
Shiryu
était impressionné. Le tueur avait toujours ce regard froid et
sans âme. Il était plongé dans une sorte de transe. Une transe
auto-induite.
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L’autre était en train de douter. Il allait perdre.
Sa vision devint lumineuse, tout autour de lui était
plongé dans cette blancheur caractéristique de la transe. La
Transe du Tueur.
Il avait mis des années à l’apprendre et à la maîtriser.
Les effets de cette transe étaient proches de la frénésie et de
la folie furieuse, sauf qu’elle était contrôlée et voulue. Sa
lucidité restait première dans son esprit, malgré le constant
besoin de débordement.
La clé de tout cela était l’harmonie. L’harmonie
des gestes et de l’âme, tous orientés vers un seul but, la
destruction. L’harmonie des gestes avec ceux de l’adversaire,
et lui briser les membres. L’harmonie du souffle avec celui de
l’adversaire, et lui perforer les poumons. L’harmonie :
suivre son adversaire et briser son rythme propre, et ainsi le
vaincre.
La transe reposait sur le sens de l’harmonie, mais
aussi sur la dissonance. Créer l’harmonie pour mieux la briser.
Il allait vaincre, il n’y avait pas de doute.
Ce Shiryu aurait beau déployer
toute sa force ou toute sa vitesse, ce serait inutile.
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Shiryu fut repoussé à plusieurs mètres en arrière.
Le coup n’était pas puissant, mais il était précis. La frappe
seule suffit à le projeter.
Il n’arrivait pas à y croire. Lui, un puissant
Chevalier d’Athéna, vaincu par un simple mortel
..?
Il essaya de se relever quand il constata que ses
membres endoloris refusaient. Comment cela se pouvait-il ?
Lui qui avait enduré le pire, il ne résistait pas à un combat
contre un humain ?
Il avait essayé de faire le vide en lui, mais il
n’y était pas parvenu, quelque chose l’en empêchait, quoi ?
« Vous autres qui vous croyez si puissants par
votre force ou votre puissance, vous ne serez jamais de véritables
guerriers. », lança l’homme qui avait tenté de tuer Athéna.
Il regardait Shiryu avec son regard gris et glacé. Mais il y
avait de l’expression dans ce regard à présent, une expression
de supériorité mêlée à une forme de respect.
« Ton erreur fut de te croire invincible,
c’est ton arrogance qui t’a perdu. »
Ces quelques mots frappèrent Shiryu en plein cœur.
Lui, arrogant ?
Il se souvint de son premier combat contre Seya. Il se
rappela comment Seya l’avait vaincu et lui avait arrêté le cœur.
Il se souvint des avertissements de son maître face à son
orgueil. Il s’était crû invincible, comme aujourd’hui.
Toutes ces batailles n’avaient servi à rien. Il
ignorait encore le sens de la véritable humilité. Et il avait été
vaincu à cause de cela, parce qu’il avait été trop sûr de
lui… C’est pour cela qu’il n’avait pas pu faire le vide en
lui : il était chargé par son orgueil et son arrogance. Il
était trop sûr de gagner. Il leva les yeux vers le tueur. Ce
dernier se contenta de se retirer dans l’ombre, mais lui dit,
avant de partir :
« Je t’ai vaincu mais je ne te tuerai pas, car
je ne tue jamais pour rien. J’espère t’avoir enseigné
l’humilité, car tu ferais sans doute un guerrier valeureux.
Reste sur tes gardes, cependant, car, à un moment ou un autre, je
tuerai Saori Kido, celle que tu surnommes « Athéna »…A
bientôt. »
Et il disparut. Shiryu se releva. Cet homme lui
inspirait de la crainte à présent, et bien qu’il ait tenté de
tuer Saori, il le respectait profondément. Quel individu étrange !
Un tel sens du combat, une telle maîtrise de soi, tout cela
faisait de lui un être incroyable. Il n’avait pas un brin de la
puissance de Shiryu, et pourtant, il l’avait vaincu.
Le Chevalier du Dragon
saurait retenir cette leçon d’humilité.
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