Une
petite prairie herbeuse s’étendait au devant d’eux. L’herbe
avait séché sous le soleil estival, mais le chant des cigales résonnait
fort autour des deux duellistes.
Seiya
avait choisi cet endroit qu’il connaissait bien pour s’y être
entraîné autrefois. Son adversaire, quant à lui, avait choisi
les épées comme armes. C’était curieux : Seiya fut
surpris qu’on choisisse encore ce genre d’arme vieillote, il
aurait préféré régler ça avec une bonne bagarre. Mais après
tout, de quoi s’inquiétait-il ? Il savait manier l’épée
comme Marine lui avait autrefois enseigné. Et il était chevalier
d’Athéna après tout.
Son
adversaire s’était changé et avait revêtu un pantalon de
toile fine. Apparemment, il se battrait torse nu. Il y avait une
expression étrange dans ses yeux, quelque chose de noble, qui
tranchait brusquement avec son attitude de tout à l’heure. Il
avait l’air plus sérieux, tout simplement, et se concentrait
sur son duel.
Ils
avaient convenu que le duel durerait jusqu’au coucher du soleil,
et que ce serait un duel au premier sang.
Ils
se mirent face à face et se jugèrent un moment du regard.
Soudain,
vif comme l’éclair, Seiya se fendit et visa le bras de son
adversaire portant l’arme. Il ne voulait pas tuer son
adversaire, juste le vaincre. Il manqua son attaque, l’autre
esquiva aisément une charge si peu subtile.
Commença
alors une farouche bataille entre deux experts à l’épée.
Seiya gardait de bons réflexes avec l’arme, et vues ses capacités,
il ne saurait perdre. L’autre maniait l’épée de façon quasi
instinctive, et sa maîtrise était impressionnante.
Chacun
multipliait les feintes, les parades et les esquives. Ils en
vinrent rapidement à se mouvoir à une vitesse telle qu’un
observateur normal aurait eu du mal à les suivre. Cela
impressionnait Seiya, qui depuis quelques temps s’ennuyait un
peu. Un tel adversaire, et un simple humain de surcroît !
L’autre lui donnait du fil à retordre, mais il ne s’inquiétait
pas. Il s’en réjouissait au contraire. Après tout, il avait
toujours apprécié la difficulté…
Après
une parade réussie, Seiya décida de lancer une contre-attaque décisive,
multipliant les coups à une vitesse telle que l’autre finirait
bien par se faire toucher au moins une fois. Une véritable pluie
de coups fut assénée sur son adversaire. Qui les évita tous.
Seiya
n’en crut pas ses yeux : cet homme percevait des coups lancés
à une vitesse dépassant celle du son ! Ce pouvait-il
qu’il soit de la trempe des Chevaliers ? C’était
impossible pourtant ! Il n’émanait de cet homme aucune
aura de combat…
L’adversaire
de Seiya, qui sentit sa surprise, en profita pour lancer à son
tour une attaque. Une feinte ambitieuse, et la lame froide passa
à quelques millimètres du visage de Seiya, qui para in extremis.
Et
le combat continua ainsi toute l’après-midi. A plusieurs
reprises, Seiya eut envie d’utiliser ses pouvoirs surhumains,
mais il se ravisait à chaque fois. Un tel adversaire méritait le
respect, surtout s’il n’était qu’un simple mortel :
Seiya était trop honnête pour gagner de cette manière, recourir
à sa véritable puissance revenait à tricher. Il voulait gagner
avec les mêmes atouts que son adversaire. Il voulait gagner par
sa maîtrise et son talent, pas par sa force ou sa vitesse.
Son
adversaire montrait des qualités grandioses : il aurait sûrement
fait un grand Chevalier si on lui en avait donné les moyens…
Seiya se rendit compte qu’il ne connaissait même pas le nom de
son adversaire. Un tel homme méritait qu’on se souvienne de
lui.
L’ardeur
et la maîtrise dont faisait montre ce dernier l’impressionnait
au plus au point. Il ne faisait qu’un avec son épée, la lame
n’était rien d’autre qu’un prolongement de son corps. Malgré
la fatigue qui s’accumulait, l’adversaire de Seiya ne perdait
rien de ses capacités : il s’accrochait, il avait en lui
la volonté de gagner, l’ardeur du battant, le feu sacré. Il
n’abandonnerait jamais. Seiya se surprit à l’admirer. Car au
fond, ils se ressemblaient.
Ils
étaient des guerriers.
L’après-midi
touchait à sa fin, et le combat faisait toujours rage. Aucun des
deux duellistes ne voulait céder du terrain à son adversaire. Le
soleil déclina sur l’horizon.
Finalement,
alors que Seiya allait prononcer le duel nul, son adversaire jeta
son épée. Il recula, pensant qu’il était visé. En fait, la
lame se ficha devant lui, et son adversaire lui lança en
s’inclinant :
« Le
soleil se couche, et je ne t’ai toujours pas vaincu. Par conséquent
c’est moi qui ai perdu. Je ne peux que m’incliner. »
Seiya
ne savait pas quoi répondre. L’autre se retournait déjà pour
récupérer ses affaires et s’en aller. Il dit :
« Attends !
Ne pars pas ! Je… Je ne connais pas ton nom ! »
L’autre
se retourna, et le regarda avec un léger sourire. Du ton sûr
de soi caractéristique de la vieille noblesse, il répondit:
« Mon
nom est Jean Gabriel Delame, Comte de Lissac . Et vous ?
-
Seiya…
-
Et
bien, j’ai été ravi de vous connaître, Seiya. »
Et
il s’en alla, éclairé par le couchant.
Seiya
le regarda s’éloigner, et lorsqu’il ne fut plus qu’un point
à l’horizon, murmura :
« Delame,
tu es vraiment le plus grand adversaire que j’ai jamais affronté…
J’espère profondément que le destin ne fera pas de nous des
ennemis. »
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