III

 

   

 

Seiya se prélassait depuis plusieurs heures sous le chaud soleil de Grèce. Il n’y avait rien à redire, c’étaient les vacances les plus agréables qu’il ait jamais passé.

Il pensa un instant aux autres, à Shun en Californie, à Hyoga en Islande, à Ikki au Japon, et à ce pauvre Shiryu qui devait rester avec Saori…

Il se sentait bien là où il était, loin de toute bataille, ne pensant à rien d’autre qu’à l’instant présent : en gros cela signifiait s’amuser et faire le joli cœur auprès des jolies filles (qu’elles soient autochtones ou touristes d’ailleurs…), mais il était bien en vacances, n’est-ce pas ? Il fallait en profiter au maximum !

Seiya se releva et contempla l’océan. Il commençait à avoir faim, le soleil était proche du zénith. S’il ne voulait pas mourir brûlé, il devrait bientôt rentrer s’abriter à l’ombre… Il enfila son short et se dirigea vers l’hôtel. Comme il avait très faim, il se mit à courir. Très vite.

Trop vite peut-être, car il venait de percuter un autre gars qui fonçait lui aussi tête baissée dans la direction opposée. Le choc fut brutal, et ils se retrouvèrent au sol, chacun de leur côté, les mains sur le crâne.

Seiya, comme à son habitude, lâcha une bordée de jurons :

« Hé, connard, tu peux pas regarder où tu vas ? ! ! »

Il regarda enfin le type contre qui il s’était cogné. Un type pas bien grand, mais plutôt costaud, il avait un air un rien trapu, bien que lui et l’autre devaient sans doute avoir la même taille. Les cheveux chatains et les yeux d'un bleu sombre, il n'avait pas l’air d’un Grec. Sûrement un touriste, mais un touriste apparemment mal disposé, vu le regard mauvais du bonhomme…

Il se releva et regarda Seiya avec un air de profond mépris. Il avait l’air en colère, mais semblait se retenir.

Soudain, l'Etranger lança son poing en avant. Curieusement, Seiya se fit surprendre, ce qui l’étonna beaucoup après coup. Seiya se retrouva au sol. Le type lui lança :

« Pour qui te prends-tu pour m’insulter de la sorte ? Vous autres étrangers êtes parfois si arrogants ! Si tu veux te battre, c’est d’accord, je n’ai pas peur. Viens, je te défie ! »

Le ton de sa voix était grave, et plein de menace. A son accent, Seiya comprit avoir affaire avec un Français.

Le Chevalier Pégase se releva prestement. Il sourit. Un peu d’action ne lui ferait pas de mal…

« C’est d’accord, je relève ton défi ! »

   

         

 

 

Une petite prairie herbeuse s’étendait au devant d’eux. L’herbe avait séché sous le soleil estival, mais le chant des cigales résonnait fort autour des deux duellistes.

Seiya avait choisi cet endroit qu’il connaissait bien pour s’y être entraîné autrefois. Son adversaire, quant à lui, avait choisi les épées comme armes. C’était curieux : Seiya fut surpris qu’on choisisse encore ce genre d’arme vieillote, il aurait préféré régler ça avec une bonne bagarre. Mais après tout, de quoi s’inquiétait-il ? Il savait manier l’épée comme Marine lui avait autrefois enseigné. Et il était chevalier d’Athéna après tout.

Son adversaire s’était changé et avait revêtu un pantalon de toile fine. Apparemment, il se battrait torse nu. Il y avait une expression étrange dans ses yeux, quelque chose de noble, qui tranchait brusquement avec son attitude de tout à l’heure. Il avait l’air plus sérieux, tout simplement, et se concentrait sur son duel.

Ils avaient convenu que le duel durerait jusqu’au coucher du soleil, et que ce serait un duel au premier sang.

Ils se mirent face à face et se jugèrent un moment du regard.

Soudain, vif comme l’éclair, Seiya se fendit et visa le bras de son adversaire portant l’arme. Il ne voulait pas tuer son adversaire, juste le vaincre. Il manqua son attaque, l’autre esquiva aisément une charge si peu subtile.

Commença alors une farouche bataille entre deux experts à l’épée. Seiya gardait de bons réflexes avec l’arme, et vues ses capacités, il ne saurait perdre. L’autre maniait l’épée de façon quasi instinctive, et sa maîtrise était impressionnante.

Chacun multipliait les feintes, les parades et les esquives. Ils en vinrent rapidement à se mouvoir à une vitesse telle qu’un observateur normal aurait eu du mal à les suivre. Cela impressionnait Seiya, qui depuis quelques temps s’ennuyait un peu. Un tel adversaire, et un simple humain de surcroît ! L’autre lui donnait du fil à retordre, mais il ne s’inquiétait pas. Il s’en réjouissait au contraire. Après tout, il avait toujours apprécié la difficulté…

Après une parade réussie, Seiya décida de lancer une contre-attaque décisive, multipliant les coups à une vitesse telle que l’autre finirait bien par se faire toucher au moins une fois. Une véritable pluie de coups fut assénée sur son adversaire. Qui les évita tous.

Seiya n’en crut pas ses yeux : cet homme percevait des coups lancés à une vitesse dépassant celle du son ! Ce pouvait-il qu’il soit de la trempe des Chevaliers ? C’était impossible pourtant ! Il n’émanait de cet homme aucune aura de combat…

L’adversaire de Seiya, qui sentit sa surprise, en profita pour lancer à son tour une attaque. Une feinte ambitieuse, et la lame froide passa à quelques millimètres du visage de Seiya, qui para in extremis.

Et le combat continua ainsi toute l’après-midi. A plusieurs reprises, Seiya eut envie d’utiliser ses pouvoirs surhumains, mais il se ravisait à chaque fois. Un tel adversaire méritait le respect, surtout s’il n’était qu’un simple mortel : Seiya était trop honnête pour gagner de cette manière, recourir à sa véritable puissance revenait à tricher. Il voulait gagner avec les mêmes atouts que son adversaire. Il voulait gagner par sa maîtrise et son talent, pas par sa force ou sa vitesse.

Son adversaire montrait des qualités grandioses : il aurait sûrement fait un grand Chevalier si on lui en avait donné les moyens… Seiya se rendit compte qu’il ne connaissait même pas le nom de son adversaire. Un tel homme méritait qu’on se souvienne de lui.

L’ardeur et la maîtrise dont faisait montre ce dernier l’impressionnait au plus au point. Il ne faisait qu’un avec son épée, la lame n’était rien d’autre qu’un prolongement de son corps. Malgré la fatigue qui s’accumulait, l’adversaire de Seiya ne perdait rien de ses capacités : il s’accrochait, il avait en lui la volonté de gagner, l’ardeur du battant, le feu sacré. Il n’abandonnerait jamais. Seiya se surprit à l’admirer. Car au fond, ils se ressemblaient.

Ils étaient des guerriers.

L’après-midi touchait à sa fin, et le combat faisait toujours rage. Aucun des deux duellistes ne voulait céder du terrain à son adversaire. Le soleil déclina sur l’horizon.

Finalement, alors que Seiya allait prononcer le duel nul, son adversaire jeta son épée. Il recula, pensant qu’il était visé. En fait, la lame se ficha devant lui, et son adversaire lui lança en s’inclinant :

« Le soleil se couche, et je ne t’ai toujours pas vaincu. Par conséquent c’est moi qui ai perdu. Je ne peux que m’incliner. »

Seiya ne savait pas quoi répondre. L’autre se retournait déjà pour récupérer ses affaires et s’en aller. Il dit :

« Attends ! Ne pars pas ! Je… Je ne connais pas ton nom ! »

L’autre se retourna, et le regarda avec un léger sourire. Du ton sûr de soi caractéristique de la vieille noblesse, il répondit:

« Mon nom est Jean Gabriel Delame, Comte de Lissac . Et vous ?

-          Seiya…

-          Et bien, j’ai été ravi de vous connaître, Seiya. »

Et il s’en alla, éclairé par le couchant.

Seiya le regarda s’éloigner, et lorsqu’il ne fut plus qu’un point à l’horizon, murmura :

« Delame, tu es vraiment le plus grand adversaire que j’ai jamais affronté… J’espère profondément que le destin ne fera pas de nous des ennemis. »