Lahn
serra les dents : il ne leur montrerait pas sa peur.
Il
était là, à quelques pas du grand vide qui s’étalait sous
l’Arche, attendant l’exécution de sa condamnation.
Son
père avait eu raison : les Sages du Concile avaient ignoré
ses arguments, et refusé de l’écouter…
Il
n’aurait jamais dû s’emporter comme il l’avait fait. Des
gardes l’avaient attrapé, et il fut déclaré Hérétique au
culte des Machines. Un tel verdict lui parut incroyable. La foule
en fut surprise elle-aussi mais resta docile, comme d’habitude
avec les décisions du Concile. Son père en fut brisé, et céda
sous la pression : il brûlerait ses écrits et abandonnerait
ses recherches actuelles… Le vieil homme avait d’abord insisté
pour qu’on annula la condamnation en échange, mais lui, Lahn,
avait refusé de revenir sur ses opinions.
Non,
il n’abjurerait pas.
Jamais.
Il
serra contre lui le sac de toile blanche que son père lui avait
donné, peu avant l’heure de son exécution. Il aurait tellement
voulu pouvoir lui parler plus longtemps…
« Ecoute
moi bien, Lahn. Dans ce sac tu trouveras de quoi t’aider, une
fois sous les nuages… Nous avons tous les deux une idée de
ce qu’il y a en bas,
mais la hauteur est trop grande pour que tu survives à une telle
chute… J’ai passé trois jours à créer ceci : une fois
dans le vide, compte jusqu’à douze, puis arrache ce cordon qui
dépasse. J’espère que cela fonctionnera et que mes calculs
sont justes… Mon Fils, tu vas peut être devenir le premier
homme à découvrir ce qu’il y a sous les nuages. Tu
n’imagines pas ce que… Enfin… Je t’en prie, prend soin de
toi…
-
Père, je… Je
suis désolé pour…
-
Ne t’inquiète
pas. Tu as montré plus de courage que moi en affrontant le
Concile : essaie seulement de survivre en dessous, et peut-être
qu’un jour le Concile acceptera la vérité… »
Lahn
s’avança vers le précipice, avec détermination.
Il
sentait le regard des membres du Concile se poser sur lui,
guettant une abjuration de dernière minute.
Non,
il ne faiblirait pas devant eux. Il ne mourrait pas, il avait bien
trop à prouver.
Il
découvrirait le Monde du Dessous, et trouverait le moyen de
remonter. Et il leur montrerait.
Il
se retourna une dernière fois et vit le regard grave de son père.
Ses cheveux avaient blanchi en quelques jours. Lahn sentit le
poids léger du sac de son père sur ses épaules.
Il
se mordit les lèvres, et fit un dernier pas.
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