XIX

 

   

 

Elle se tenait au centre de l’arène, seule, face aux deux trônes.

Ares se leva, et s’approcha.

Surplombant l’aire de combat, il tendit la main vers elle.

La Lionne Noire, l’Amazone, lui tendit sa main en retour, et se mit à chanter.

Une voix à la fois forte et voluptueuse résonna dans tout l’endroit, et la marque sur son front se mit à luire intensément.

Sa voix se fit bientôt plus grave, et le rythme du chant se ralentit. On y sentait de la tristesse, et la fierté d’un orgueil blessé. Ares joignit alors sa voix à celle de la femme Berserker. On sentait toujours la même puissance retenue, la même noblesse dans sa voix…

La Rune d’Ares s’illumina tout d’un coup, avant de s’effacer, baignée dans une grande colonne d’énergie écarlate. Frappant le ciel, cette colonne illumina les cieux sombres un bref instant, avant de disparaître en un éclair, laissant la lune pale au milieu d’un ciel d’une sombre noirceur.

La Lionne Noire s’agenouilla, dans un dernier geste de respect. La Rune sur son front avait disparu. Le silence autour d’elle était élogieux.

Elle se retira alors, dans l’ombre d’où elle était venue.

 

   

         
 

 

Shina, cernée par les siens, fut portée en triomphe.

Elle était la première, la première à avoir vaincu ! Le cœur de tous les Chevaliers s’était enthousiasmé pour elle, et sa victoire brillait de mille feux.

Elle avait réussi !

Elle regarda autour d’elle, cherchant Marine qui lui avait fait comprendre comment vaincre la Lionne. Le Chevalier de l’Aigle était assise à l’écart, la mine dubitative.

Shina vint à sa rencontre. Elle se rendit compte à voir son visage grave que quelque chose n’allait pas. Entendant sa voix, et ce qu’elle avait à lui dire, un malaise étrange l’envahit à son tour.

Ce n’était pas Marine qui avait trouvé comment vaincre l’Amazone. C’était le Berserker qu’on nommait Stratège qui le lui avait fait deviner…

Tout cela était trop étrange pour ne pas retenir leur attention. Elles allaient en parler aux autres quand un grand bruit accueillit le début du prochain duel.

Jabu était déjà sur l’arène, son regard plein de confiance.

Face à lui s’avança le Duelliste, dans sa fine armure écarlate…

 

   
         

 

 

Un souffle de vent parcourut la plaine dévastée qui faisait autrefois la gloire des paysages de la région. Il ferait bientôt jour, mais la lueur de l’aube ne percerait pas la couche épaisse de poussière qui engloutissait toute la zone. Le ciel, assombri dernièrement donc par les éruptions consécutives du Kilimandjaro, fut traversé d’un tremblement, alors qu’une lueur rouge pointa à travers la couche de poussière, frappant soudain le sol calciné et encore parcouru de rivières de lave.

Il n’y avait plus un seul être vivant dans la région, tous les animaux avaient fui, ou étaient morts dans ce décor infernal. La Nature semblait morte, ou plutôt victime d’elle-même…

La colonne de lumière écarlate grossit peu à peu, au centre de la plaine noire et déserte. Un éclat de lumière soudain en jaillit, et la colonne explosa, couvrant en un instant toute la zone jusqu’à l’horizon, repoussant la poussière grise et étouffante. Un souffle rouge parcourut l’endroit dans toutes les directions, et là où il passa, des miracles se produisirent, les uns après les autres.

Des plantes se mirent à germer, lentement d’abord, puis de plus en plus vite, devenant arbres, puis forêt. Une vaste savane verdoyante s’étala bientôt au pied du volcan, que la lueur de l’aube frappa doucement, d’un éclat depuis longtemps oublié.

Puis, écarquillant les yeux de surprise, des animaux se réveillèrent, dans un endroit devenu paradisiaque. Fauves et troupeaux se partagèrent alors la vision d’un monde nouveau, baigné de lumière, un monde généreux, comme peut l’être la Nature elle-même…

La petite fille se frotta les yeux, s’éveillant de ce qu’elle retiendrait comme un rêve long et profond. La jeune Nunni se souvenait d’un énorme nuage sombre qui dévalait la grande montagne qui dominait les terres de sa tribu, avalant tout sur son passage. Elle se souvint de l’atroce sensation d’être à la fois brûlée vive et étouffée, mais la douleur fut brève, puis après cela, plus rien.

Elle contempla, émerveillée, l’incroyable vision que constituait désormais la plaine où elle habitait, éclairée par l’aube naissante. La savane était verdoyante, comme à la sortie de la saison des pluies, et il y avait plus d’animaux qu’elle n’en avait jamais vu. C’était magnifique, et sublime.

Elle se tourna, et vit son village, d’où jaillirent tous ceux qu’elle connaissait.

Elle leva les yeux au ciel, observant la portion de nuit clairsemée d’étoiles en train de disparaître. C’est alors qu’elle la vit.

Une grande lionne, fière et farouche, trônait dans le ciel, semblant veiller calmement sur son pays. Une grande Lionne au pelage sombre comme la nuit…

Puis, peu à peu, elle disparut, alors qu’un beau soleil éclaira la plaine renaissante.