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V |
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« Qu’indique la Croix ?
- Toujours la même direction, au sud-est. Selon mes cartes, nous avons pénétré hier soir dans le royaume des Faucons.
- Les Faucons ?
- Un peuple de nomades et de marchands. Nous en avons vus lors des événements de l’an dernier, en terres Cobras.
- Oui, je me souviens. C’est une bien vaste plaine qui s’étend face à nous… Elle me rappelle un peu le désert du Khaibar par son immensité, ou plutôt, on dirait un gigantesque océan d’herbes hautes, dont les vagues dansent au rythme du vent.
- Ta comparaison avec l’océan n’est pas si fausse, Alekah. »
Ils restèrent un moment tous les deux à contempler l’étendue des Steppes de Shuni illuminée par le couchant, jusqu’à ce qu’Ulthar, l’Elfe Sylvain, rompe le silence.
« Devons-nous réellement intervenir ?
- La Corruption est trop forte. Elle doit être stoppée, sans quoi elle commencera à se répandre à travers les cieux, sur les ailes du Vent corrompu, couvrant alors toute la terre. Nous avons les moyens de l’arrêter, alors nous devons agir. Ne pas intervenir signifierait notre propre perte…
- Tout de même… Comment un simple mortel a-t-il pu prendre connaissance de la Magie du Sang et maudit le Vent lui-même ? Ce savoir est pourtant scellé depuis des éons dans les catacombes de la Cité Sous le Désert…
- N’oublie pas que les humains sont pleins de ressources. Celui qui a libéré le flux de Corruption a du découvrir ce secret par hasard, et aura été, sans le savoir, responsable du pire… Inutile de discuter là-dessus, la Malédiction du Sang a bel et bien été lancée. Nous interviendrons, et nous rendrons au Sang du Monde la pureté qui lui a été arrachée il y a trois lunes.
- Alors donc, il est temps de partir. Le flux de Corruption sera stoppé, et l’équilibre restauré, ainsi que tu l’as énoncé. La nuit tombe, il te sera plus facile de chevaucher sans le fardeau du soleil sur tes épaules, Ô Gardienne des Ames. Hâtons-nous. »
L’Elfe du Désert rangea la précieuse Croix Sacrée, et ils repartirent, vers la source de la Corruption, au cœur d’une vaste armée de Morts Qui Marchent.
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La horde de cavaliers cadavériques déferlait dans leur direction - des milliers de silhouettes couvrant tout le pan nord de la plaine, auréolés de rouge, suivis de nuages troubles de sang au dessus d’eux. Le souffle d’un vent fétide chargé de poussière ocre parvint jusqu’aux trois hommes, déposant une infecte saveur de moisissure sur leurs lèvres.
Takashi Isao, dans un dernier appel, se remit à frapper à la grande porte de la forteresse de Lao Tsui, la première sur l’ancienne frontière entre Faucons et Scarabées :
« Ouvrez ! Ouvrez !!! »
Acculés, ils s’apprêtèrent au dernier combat de leur existence. Samu Jiro marmonna :
« Par Zanonai, d’abord la Peste Rouge, puis cette magie écarlate, pourquoi doivent-ils tous être en rouge ? »
Cairn, le Guerrier-Prêtre de Khrysalide, lui répondit sur un ton sarcastique :
« Ne t’inquiète pas, dans un mois, tu pourras te mettre au vert, heh…
- Cairn ?
- Oui ?
- Je te déteste. Je voulais que tu le saches avant qu’on meure.
- Autant pour moi, je te déteste aussi. Et tu devrais arrêter de te plaindre tout le temps.
- Et toi tu devrais te laver plus souvent.
- Quoi ?
- Oh la ferme vous deux ! Economisez vos forces, plutôt ! » interrompit Takashi.
Ils se regardèrent tous les trois trois brèves secondes, puis jetèrent un nouveau coup d’œil à l’énorme masse qui allait s’abattre sur eux. Pour se retourner aussitôt, et frapper sur la grande porte encore plus fort.
« Ouvrez ! OUVREZ ! OOOUUUUUVVVRRRREEEEEZZZZZZZ !!!!!!!! »
Samu Jiro eut à peine le temps de pousser un cri en s’écrasant face contre terre lorsque cette dernière s’ouvrit, que des bras l’emportèrent à l’intérieur de l’enceinte. A peine l’eut-on relâcher qu’il craqua et cria :
« Bon sang, ne me faites plus jamais un coup pareil, vous m’entendez ?! Plus jamais !!! »
Et derrière eux, contre la porte, s’abattirent les premiers cavaliers morts…
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« Il sait que nous allons trouver le Grand Khan. Cette première rencontre n’était que la première embuche qu’il posera sur notre chemin.
- Où a-t-il acquis une telle puissance magique ? Gaori est un guerrier, pas un magicien.
- C’est une bonne question… Mais il s’est passé tant de choses étranges à travers le monde ces derniers temps à la suite des troubles des champs magiques, je ne serai pas étonné que le Khan de la Tribu des Vents ait pu y puiser la source de son nouveau pouvoir, d’une façon ou d’une autre.
- Kublai, tout ceci nous dépasse, t’en rends-tu compte ?
- Oui, mais avons-nous le choix ?
- Non, en effet. »
Il terminèrent leur maigre repas, englouti en selle, et il se préparèrent à dormir dans la même position. Le ciel était clair, parsemé d’étoiles.
L’une d’elle brillait de rouge.
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Ils chevauchaient depuis plusieurs heures, quand Ulthar lui fit signe d’arrêter. Il leva la main, et regarda tout autour de lui du haut de sa monture.
« On nous surveille.
- On nous surveile ? Qui ? Je ne vois… »
Alekah n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu’un violent coup de bâton la désarçonna.
« Alekah ! »
Ulthar tomba à son tour.
Ils étaient deux, surgissant des hautes herbes tels des fauves. Vêtus de vêtements de toiles dont les deux Elfes percevaient les teintes bariolées à la pale lueur des étoiles, ils les menaçaient de leurs simples bâtons. Deux arcs pendaient à leur dos.
« Qui êtes-vous, étrangers ? Vous avez pénétré sur les terres Faucons sans autorisation. Identifiez-vous ! »
Alekah se releva péniblement, et leur tendit la paume des mains en signe de paix.
« Nous sommes ici en mission, pour sauver vos terres d’un grand danger.
- Quel danger ? Qui êtes-vous ?»
Les yeux du Faucon s’étrécirent, exprimant sa méfiance. Alekah soupira. Cela s’annonçait difficile.
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Du haut des remparts, les trois hommes contemplaient l’étendue des hordes de morts en train d’essayer d’investir la forteresse. Certains grimpaient le long de la muraille, d’autres grattaient et frappaient les pierres pour les briser, d’autres tentaient de creuser sous les murs à même leurs serres. La marée était grouillante, en constante activité. Les hommes de la forteresse faisaient pleuvoir flèches et rochers sur les Morts Qui Marchent, mais ces derniers n’abandonnaient pas, mus par une conscience inflexible.
Le vieux général regarda les deux hommes derrière lui et dit :
« Où est Samu-san ?
- Il est dans le donjon. Il a demandé en urgence la permission d’utiliser l’un de vos pigeons voyageurs.
- Je comprends, mais le Shogun doit déjà être au courant de ce qui se passe. J’ai moi-même envoyé un message dès que la menace s’est présentée.
- Nous apportons des compléments d’informations sur la situation, Général Jinsen. »
Le vieil homme se tourna vers le médecin qui venait de monter la grande échelle. Il était légèrement essouflé par l’effort, mais gardait contenance.
« L’individu à la tête de cette armée d’abominations est Gaori Khan, le chef de la Tribu des Vents, des Faucons.
- Pourquoi les Faucons nous attaquent-ils ? Une telle décision est stupide de leur part.
- Le but de Gaori est de déclencher une guerre civile, Jinsen-sama. Et il aurait réussi si je n’avais pas envoyé ce courrier au Shogun pour lui rendre compte de tous les détails de la situation. Gaori est une menace puissante, mais isolée chez nos frères faucons.
- Je comprends. Ce n’est de toute façon pas ma priorité du moment. Nous devons d’abord tenir cette forteresse coûte que coûte jusqu’à l’arrivée des renforts. Attendez-vous, vous et vos compagnons, à passer les jours les plus éprouvants de votre existence. Autre question : si Gaori mène cette armée, est-il aussi celui qui l’anime de sa magie ?
- A ce que nous savons, Gaori n’est pas un mage. Je soupçonne l’aide d’un nécromancien, mais je n’ai aucune preuve.
- Cette armée de morts semble infatigable. Nos hommes eux connaissent la fatigue. Je ne sais combien de temps nous tiendrons.
- De combien de soldats disposons-nous en tout ?
- Seulement une cinquantaine. Les effectifs ont été réduits depuis que la frontière Faucon-Scarabée a perdu sa signification militaire.
- Certains qualifieraient notre situation de désespérée…
- Mais nous mourrons en accomplissant notre devoir, Samu-san.
- Pour cela je vous fais confiance, Jinsen-sama. Combien de temps avant l’arrivée de renforts ?
- Une force armée de trois milliers d’hommes est en exercice à quinze jours de marche à l’Est. Le Général Shibu pourra nous rejoindre en dix, s’il force l’allure.
- Il ne nous reste donc qu’à tenir le coup d’ici là, mais nous n’avons guère de chances d’y parvenir…
- Sauf si nous contre-attaquons. »
Le médecin et le vieux général Scarabée se tournèrent vers le guerrier-prêtre Loup.
« Gaori est leur tête. Coupons-la, et tout sera terminé.
- Voici une proposition bien audacieuse, Jin Rô.
- Jin Rô ?
- Cela signifie « Homme-Loup » dans notre langue, Cairn, intervint Samu.
- Je suis flatté de ce titre, mais pour en revenir à ma proposition, je pense qu’éliminer Gaori serait la solution la plus directe à nos problèmes.
- Vous êtes audacieux, mais vous avez sans doute raison. Nous n’avons de toute façon presque aucune chance de tenir jusqu’à l’arrivée des renforts… »
Le regard du vieil homme s’était rallumé, semblant calculer intérieurement un nombre infini de plan et stratégies.
« Je crois bien que j’ai une idée… », finit-il par dire.
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« Vous me dites que vous êtes une Elfe du Désert ?
- C’est bien cela. Mon peuple vit depuis des siècles dans une cité enfouie sous le Désert du Khaibar. Je suis moi-même une érudit de mon peuple en quête de connaissance.
- Et vous me dites qu’il y a trois lunes de cela, vous avez senti l’apparition d’un « déséquilibre corrupteur » dans ce que vous appelez le Sang du Monde ?
- Oui, c’est bien cela. J’ai pris le parti de venir jusqu’en vos terres, d’où part la source de cette Corruption, afin d’y mettre un terme.
- Et en supposant que je vous crois, comment comptez-vous y parvenir ? »
Alekah, Gardienne des Ames de son peuple, se leva, et alla récupérer dans sa sacoche l’antique objet qu’elle conservait précieusement depuis le début de son voyage : un exemplaire chargé d’énergie mystique de la Croix de Vie. L’objet se présentait sous la forme d’une croix terminée à son sommet par une boucle par laquelle passait une petite chaîne de métal dorée. L’artefact luisait dans la nuit d’une lumière presque solaire.
« Ceci est ce que nous appelons dans notre langue un Ankh. C’est un puissant symbole de Vie, et cet objet me sert généralement à sentir les flux du Sang de la Terre et du Monde, me permettant non seulement de me diriger par rapport à eux, mais aussi de les contrôler en partie. Comme je vous l’ai expliqué, le Sang du Monde est, comme le sang des êtres vivants, composé de cinq humeurs correspondant à chacun des 5 éléments. Or, l’Elément Vent a été corrompu, et la Corruption qu’il véhicule commence à se répandre à travers les terres, se propageant à la vitesse du Vent. Je suis ici pour rétablir l’équilibre du Sang du Monde, et vous implore donc de me laisser accomplir ma mission. »
Kublai la regarda, intrigué. Il avait usé de la magie de l’Esprit, et l’Elfe ne lui mentait pas. Il se dit que ce dont elle parlait était peut-être lié au récent changement de Gaori Khan. L’idée le fit frémir.
« Qu’y a-t-il ? Vous semblez fortement troublé tout à coup.
- Je crois avoir compris en quoi mon problème et le vôtre ne font qu’un. Allons, je crois que vous avez encore beaucoup à me dire. Pouvez- vous m’expliquer en quoi consiste cette « Corruption » ?
- La Corruption du Sang du Monde prend le nom de Malédiction du Sang. Elle est provoquée lorsque l’on a recourt à la puissance du sang des vivants comme source de magie. La plupart du temps, cela n’a aucune conséquence maligne, mais il arrive parfois que le sang utilisé puisse être chargé d’une souillure, qui peut être de diverse origine – comme une malédiction divine, une magie contre-nature, ou plus simplement, une très forte concentration de sentiments négatifs, comme la haine. Si la souillure est suffisamment forte, le mage usant de la magie du sang la transmettra alors dans le flux du sang du monde, où elle se répandra, brisant alors l’équilibre des 5 éléments du Sang.
- Vous voulez dire que si le sang utilisé vient d’un être corrompu par une magie mauvaise ou tout simplement chargé de haine, le rituel risque de déboucher sur une corruption généralisée des flux du Sang de la Terre elle-même ?
- Vous m’avez comprise. Je suis ici pour rétablir l’équilibre qui a été brisé. »
Il la regarda longuement, telle la source d’une immense révélation. Gaori suintait littéralement de haine quand il avait rencontré pendant le temps où il était prisonnier entre ses mains. Gaori devait avoir recouru à un rituel d’invocation des esprits propre à leur culture shamanique, et avait du brisé les interdits en utilisant son propre sang dans le rituel. Et s’il en croyait ce que disait Alekah, les conséquences pourraient en être terrible. Et cela pouvait expliquer l’attaque du cavalier Mort-Vivant qu’il avait essuyé le matin même.
« Savez-vous où aller pour réparer l’équilibre du Sang de la Terre, Gardienne des Ames ?
- Oui, l’Ankh peut me guider vers la source de la Corruption. Je saurai trouver le chemin.
- C’est parfait, en ce cas nous allons vous escorter. »
Subotai se manifesta soudain derrière lui.
« Kublai, tu as oublié que nous devons aller prévenir le Grand Khan !
- Non, Subotai, je crains qu’un danger bien plus grand risque de s’abattre sur la Grande Shuni si nous n’aidons pas ces étrangers dans leur quête – une quête qui en fait aussi la nôtre.
- Entendu Kublai, c’est toi qui décide. Nous te suivrons. »
Les deux Elfes et les trois hommes restèrent silencieux un long moment. Le Destin les appelait. Il leur faudrait danser sur sa chanson, aussi capricieux puisse- t-il être.
(inachevé)
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