II

   
  Il s'éveilla, groggi, et ses nombreux bleus lui arrachèrent un cri de douleur quand il essaya de se redresser. Il regarda autour de lui. L'intérieur de ce qui ressemblait à une yourte Faucon, de taille moyenne, et il était seul. 

Il n'était plus attaché, et tenta alors de se diriger discrètement vers la sortie. 

A peine tentait-il de s'approcher qu'une forme sombre fut jetée à l'intérieur de la tente, et le Scarabée recut de plein fouet le poid du corps qu'on venait de jeter à l'intérieur, lui arrachant un nouveau râle de douleur. 

Il se passa un moment avant qu'il ne parvienne à se dégager malgré sa souffrance, et il en fallut un autre avant qu'il ne reconnaisse l'autre captif : Kublai, le Mage Faucon ambassadeur. 

Mais que se passait-il donc ? 

Il aida l'autre à se relever, et fournit les maigres soins qu'il pouvait prodiguer sans son équipement, puis il se mit à marmonner une prière à Zanonai et une lueur emplit la pièce alors que les vilaines plaies infectées de Kublai régressait face à l'énergie régénérante de la divinité des Scarabées. 

Une heure passa avant que Kublai ne reprenne conscience, et deux autres passèrent quand il termina son récit à Samu Jiro. 

 

   
         

   

Il s'approcha avec prudence. Les restes calcinés de la caravanes étaient encore chauds, et la fumée continuait de s'élever par endroit. 

Ils ont du être attaqués le matin même, voire la nuit précédente. Il scruta l'horizon autour de lui en quête de traces des assaillants mais ne trouva rien. La steppe semblait engloutir les traces de tous ceux qui la traversait, tel un véritable océan d'herbes hautes. 

Il s'approcha d'un tas de corps: des pillards Faucon, tous morts et affalés au même point. Il s'approcha un peu plus, son regard attiré par un objet en mouvement : la pointe d'une lame, qui dépassait du tas. 

Soudain, l'arme en surgit, suivi du guerrier qui la tenait. Le guerrier-prêtre Loup recula instinctivement, brandissant son épée. 

C'est alors qu'il reconnut Isao - blessé, et les traits tirés par un long épuisement, chancelant et se tenant debout avec peine. 

 

   

         
   

"Que signifie tout ceci ? J'exige une explication ! Mon père vous fera payer cet outrage !" 

La jeune Scarabée criait à plein poumon malgré les liens qui retenaient ses bras dans son dos. Son ravisseur se leva de son trône et vint se poster face à elle, la toisant comme on toise un animal que l'on hésite à acheter. 

"Je vous préviens ! Mon père est très riche, et il vous fera payer cet acte inadmissible !" 

Elle s'épuisait en vain. Cela faisait des jours qu'il venait la regarder, chaque soir, sans dire un mot. Cet homme, ce barbare grossier et puant ! Il devait bien s'amuser à la regarder dans cet état, elle, la fille aînée de la famille Kajima, l'une des plus importantes familles de marchands du Khanistan ! 

Oui, comment osait-il ?! 

Il s'approcha d'elle encore une fois, la frôlant presque comme il le faisait depuis qu'il l'avait kidnappée, la regardant droit dans les yeux. Elle lui rendit son regard, y mettant autant de mépris que possible. 

Puis, comme à chaque fois, il quittait la tente, la laissant là. 

 

   
         
   

"La situation est vraiment très grave. Tu es sûr que c'est là ce qu'il compte faire ? 
- Certain. Il ne s'en est pas caché : il t'a fait kidnapper, toi et Kajima-san pour raviver les tensions entre Scarabées et Faucons. Dans huit jours, il lancera une attaque contre la cité Scarabée de Maeshiwa... 
- Mais c'est sur le territoire Gogenso ! 
- Exactement. Gaori connaît les tempéraments du Shogun et du Champion d'Emeraude. Il sait qu'ils n'hésiteront pas à répondre avec sévérité face à cette attaque, au risque de voir leurs représailles dégénérer... 
- Et les Faucons auront alors une nouvelle raison de détester l'ennemi ancestral..." 

Un long silence s'ensuivit. 

"Nous devons l'arrêter, Kublai, nous ne pouvons le laisser conduire le Khanistan à la guerre civile. Trop de vies sont en jeu. 
- Je le sais aussi bien que toi. Mais nos moyens sont plutôt limités... 
- Hmmm, si seulement j'avais ma besace..." 

Un bruit sourd les surprit à l'entrée de la yourte où ils étaient retenus. Il reculèrent sur les côtés, leurs sens aux aguets. 

Une tête pointa à l'entrée, et Samu en profita pour y décocher un coup de coude, suivi d'une prise au niveau de l'épaule, projetant le corps de son adversaire au milieu de la pièce - il allait achever son travail quand il reconnut le visage fort familier du guerrier-prêtre Loup : 

"Cairn le Loup ! C'est toi ! Mais que fais-tu là ?! 
- Chut, voyons ! Tu veux nous faire repérer ?" 

Le guerrier-prêtre de Khrysalide se releva, se frottant le menton à l'endroit où il reçut le coup de coude. 

"Je ne savais pas que tu avais appris à te battre. 
- J'ai toujours su me battre. Le fait que je ne cède que rarement à la violence ne signifie pas que je suis inoffensif. Tu devrais au moins savoir cela avec les prêtres de Zanonai... 
- Bon bon, on discutera de ca plus tard, Isao nous attend à l'orée du campement, il nous a trouvé des montures et devrait provoquer une diversion très bientôt. Suivez-moi quand je vous en donnerai l'ordre - Vous êtes prêts ? " 

Le Faucon et le Scarabée acquiescèrent en silence. 

Une dizaine de minutes passa quand une grande explosion secoua le campement. Ils entendirent les cris des chevaux terrifiés par le bruit et les flammes, et se glissèrent alors au dehors le plus silencieusement possible. 

Samu Jiro huma l'odeur acre, et dit : 

"Ne me dis pas qu'Isao a utilisé ma réserve de poudre noire ? 
- Ben oui, qu'est-ce que tu voulais qu'on fasse pour une bonne diversion ?" 

Ils se glissèrent à l'orée du campement, alors que de nouvelles détonations retentissaient tout autour d'eux. 

"Le bruit va terrifier et éparpiller les chevaux. Gaori mettra un temps pour rassembler sa harde, nous allons pouvoir en profiter pour gagner un peu d'avance." 

 

   
         
   

Ils chevauchèrent sans s'arrêter toute la nuit durant, puis soudain, Samu s'arrêta brusquement. 

Les autres s'arrêtèrent à leur tour : 

"Bon sang, Samu, nous devons nous dépêcher ! Tu veux peut-être que ces Faucons nous rattrapent ! 
- Non, je ne peux pas, nous devons y retourner, j'ai oublié... 
- Quoi, qu'as-tu oublié ? 
- Kenwa-san."