II

   
         

 

 

Ca y est.
Je l’ai fait. 
Je lui ai demandé de sortir avec moi…
Et elle a accepté, avec son merveilleux sourire !
J’ai passé l’après-midi dans un état grisant d’euphorie, avant de tout raconter à Gabriel.
Gabriel ? Je l’ai rencontré l’autre jour, celui où le prof était absent :il s’était assis à côté de moi, et nous avons lié conversation. 
J’ai passé l’hiver à conquérir son amitié :c’est un type bien, même si son humour est du genre caustique. C’était qelqu’un de très seul, avant. Comme moi.
Mais nous sommes des amis désormais. 
D’un certain point de vue, je suis vraiment heureux de l’avoir rencontré…
Elle m’a donné rendez-vous au parc, demain après-midi. Je n’arrête pas d’y penser.
Je ne sais pas si j’arriverai à dormir ce soir.
Dieu que je l'aime! 

 

   

   

 

   

 

 

Il n’en est qu’au troisième rendez-vous, et il lui offre déjà des bouquets de roses...
Comme c’est charmant.
Tu te dis bien sûr que c’était ce qu’il attendait depuis des mois :tu ne comptes plus le nombre de fois où il a pu te pomper l’air avec son « Amour » pour elle. D’un certain point de vue, te voilà débarrassé :il va passer plus de temps avec cette fille, et te laisser tranquille désormais. Et pourtant…
C’est bizarre, mais tu avais fini par t’habituer à lui, à son rire enfantin et à son regard candide… Comment un type pareil comptait-il réussir ses études de droit ? Malgré tout, son contact avait ceci de particulier qu’il était extraordinairement, comment dire ? rafraîchissant. Oui, c’était bien le mot.
Tu connais la fille avec qui il sort. Plutôt jolie, très BCBG, mais un peu trop arrogante à ton goût. Tu te demandes comment Lucien a pu avoir le béguin pour une fille pareille, si différente de lui en fait. Tu l’aurais plutôt vu avec une fille gentillette et timide, un peu comme lui.
Mon Dieu, voilà que tu t’intéresses à son bonheur à présent :ça y est, tu sens la nausée qui revient…
L’air du parc est encore un peu frais pour ce mois de mars, mais il y a déjà du monde sur les pelouses. Tu attends Lucien sur un banc à l’écart, car vous êtes censés aller au ciné ce soir :il y a des films plutôt intéressants ces temps-ci, et puis il en profitera encore pour déverser tout ce que son cœur a pu amasser… Le cœur de ce petit bonhomme est un véritable puit. 
Soudain, tu sens une présence derrière toi, et un parfum.
C’est elle.

 

   

   

 

   
 

 

Il n’était pas très engageant, mais elle savait à quoi s’attendre.
Elle avait passé du temps à en apprendre plus sur lui, peu à peu, par le biais de ce Lucien. Ce dernier était gentil, mais un peu trop naïf.
Gabriel l’attirait :il était beau, et ses yeux gris, si intenses…
Elle le voulait, rien qu’à elle. 
Assise près de lui, elle menait finement la conversation, sur un sujet puis d’autres. Elle souriait volontiers, distribuant quelques rires au passage. Elle connaissait ses atouts, et savait en user. Elle se doutait bien de sa méfiance :ne sortait-elle pas avec son ami ? Mais toute la subtilité de son jeu était là, ne pas se presser, lui laisser le temps de la désirer…
Elle s’était rapprochée de lui, peu à peu. De légers contacts, quelques frémissements de la peau...
Elle sentait sa réticence, mais il résistait peu.
Elle se pencha doucement alors, puis, lentement, tendrement, elle l’embrassa.

Un baiser léger, et doux.